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2011-01-01

Une pensée en action du son au théâtre

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  • Jean-Paul Quéinnec Universidad de Quebec en Chicoutimi
En cherchant à ne plus soumettre le son à l’action dramatique, le statut de la dramaturgie théâtrale (textuelle et scénique) se met à dériver. Un glissement de la pensée comme de la pratique qui appelle une écoute à d’autres références théoriques et méthodologiques. Cet article s’appuie sur une recherche création en dramaturgie sonore qui explore la notion d’intermédialité et la création performative au théâtre. Un vécu expérientiel de la matérialité sonore (texte, objet, espace) qui développe un concept que nous nommons « dramaturgie informe » car le théâtre contemporain devenu matière vive et complexe s’avère difficile à isoler pour être défini.

UNE PENSÉE EN ACTION DU SON AU THÉÂTRE

Pensamiento en acción: el sonido en el teatro

Jean-Paul Quéinnec
Universidad de Quebec en Chicoutimi – Canadá
Jean-Paul_Queinnec@uqac.ca


En cherchant à ne plus soumettre le son à l’action dramatique, le statut de la dramaturgie théâtrale (textuelle et scénique) se met à dériver. Un glissement de la pensée comme de la pratique qui appelle une écoute à d’autres références théoriques et méthodologiques. Cet article s’appuie sur une recherche création en dramaturgie sonore qui explore la notion d’intermédialité et la création performative au théâtre. Un vécu expérientiel de la matérialité sonore (texte, objet, espace) qui développe un concept que nous nommons « dramaturgie informe » car le théâtre contemporain devenu matière vive et complexe s’avère difficile à isoler pour être défini.

Mots clés: dramaturgie informe; écriture dramatique; écriture sonore; hétéromorphie; intermédialité; manipulation sonore; objets sonnants; recherche création; théâtre in-situ; théâtre performatif.

En la búsqueda de un estatuto del sonido en el teatro que no siga siendo sometido a la acción dramática, el estatuto de la dramaturgia teatral (tanto textual como escénica) entra en una deriva, un desplazamiento, tanto de la reflexión como de la práctica teatral, que reclama una actitud de escucha de otros referentes teóricos y metodológicos. El presente artículo se apoya en una investigación-creación en dramaturgia sonora que explora la noción de intermedialidad y la creación performativa en el teatro. Una vivencia experimental de la materialidad sonora (texto, objeto, espacio) que desarrolla un concepto que hemos denominado “dramaturgia informe”, en la medida en que el teatro contemporáneo, al devenir materia viva y compleja, se revela como renuente a dejarse aislar para su definición.

Palabras clave: dramaturgia informe; escritura dramática; escritura sonora; heteromorfia; intermedialidad; investigación-creación; manipulación sonora; objetos sonoros; teatro in-situ; teatro performativo.


Nous voulons appréhender l’écriture théâtrale à travers sa relation à l’écriture sonore en cherchant dans cette confrontation un acte critique conçu à partir de l’œuvre elle-même, de son langage. Tout en étant ancré dans une tradition théâtrale, il s’agira de donner place à des logiques externes qui permettent un démontage de cette tradition même car « le territoire ne vaut que par rapport au mouvement par lequel on en sort » (Deleuze 1996). Dans son dernier ouvrage théorique, Joseph Danan (2010) montre combien il faut inventer de nouveaux modèles dramaturgiques face à des textes contemporains ouverts à tous les possibles. Une délimitation qui ne cesse donc de se développer, au fur et à mesure que les modèles traditionnels d’écriture dramatique sont remis en cause et leurs structures éclatées. Dans ce prolongement et davantage sur le plan esthétique, le concept de l’œuvre informe chez Didi-Huberman vient soutenir notre questionnement sur la dramaturgie contemporaine. Il s’intéresse aux formes à la fois équivoques et incarnées, faites d’une dialectique de l’excès et de la structure comme un mouvement voué au symptôme ou au conflit plutôt qu’à la synthèse ou la réconciliation. La transgression ne refuse donc pas une forme, elle induit un mouvement. Elle amorce un déplacement vers l’informe : « Revendiquer l’informe ne veut pas dire revendiquer des non-formes, mais plutôt s’engager dans un travail des formes […] » (Didi-Huberman 1995, 21). Un montage dialectique qui féconde un lieu inapaisable et momentané où la relation labile des formes restitue le travail du symptôme dans le jeu des formes. Une dialectique symptomale qui affiche ainsi le démontage des formes et celui de la pensée. Réflexions qu’il a relancées dernièrement en s’emparant du journal de travail de Brecht pour revisiter à travers une connaissance par les montages (tout montage étant d’abord le démontage d’une forme antérieure), certaines pratiques où l’acte d’écriture a véritablement pu rimer avec l’activité critique et le travail de la pensée (Didi-Huberman 2009). Notre recherche sonore au théâtre contribue à cette dramaturgie « informe » , à ce démontage du rapport visuel de l’action scénique et l’écriture dramatique. Cependant, si la présence du son au théâtre a évolué, elle tient encore à une valorisation de l’action et de la fable, un adjuvant pour l’amélioration de l’atmosphère dramatique et une explication du texte pour le spectateur. Encore aujourd’hui, dans une optique analytique, le son se lit, s’appréhende et se comprend de manière subsidiaire par rapport au mouvement sur la scène (Roy 1999). Et ce, malgré John Cage qui rendait dès 1940 évident le lien entre l’espace physique et le son, malgré Pierre Schaeffer qui élargissait la considération du son en dehors de la musique. C’est entre les années 1960 et 1980 que la dimension sonore gagne en importance dans l’esthétique du spectacle théâtral grâce à l’essor de technologies nouvelles dans les arts voisins (variétés, radio, cinéma) (Mervant-Roux 2004). La modernité scénographique de ces techniques retient l’attention de nouveaux créateurs du son au théâtre. Le développement des champs d’interprétation et de spatialisation sonore génère de nouvelles pratiques de mise en scène et par conséquent de nouvelles méthodes de présence scénique. Depuis les années 1980, différentes expériences réflexives et pratiques sont menées pour aider à démonter ce principe de subordination. En France, le concepteur Daniel Deshays revendique une place spécifique au constructeur sonore en affirmant que seul celui qui produit le son peut l’inventer et le mettre en scène (Deshays 2006). Au Canada, l’essai « Paysage sonore » de R. Muray Schafer (1979), sans traiter spécifiquement du son au théâtre, introduit la notion de paysage sonore qui promeut une autre considération des dispositifs de spatialisation et des possibilités de création pour une esthétique acoustique pluridisciplinaire. En 1985, le Theater am Turm de Francfort programmait un théâtre de type « post-dramatique » , comme les « concerts scéniques » de Goebbels, où l’utilisation innovante de la voix, du son, de l’espace et du corps se produisait dans une esthétique non hiérarchisée (Lehmann 2008, 19). Dans cette continuité, au cinéma, Deleuze valorise d’autres formes d’organisation dramaturgique entre le son et l’image. Une approche qualifiée d’ « image sonore » dans laquelle le son, matière active, trouve son écart et se défait du système de subordination qui le place sous la coupe du drame. L’image sonore ouvre à la multiplicité dans la construction et dans la lecture du récit cinématographique (Deleuze 1985). Aujourd’hui, l’approche organique du plateau, ou simplement de solutions techniques plus malléables, offrent des possibilités de transpositions de ce phénomène sur une scène théâtrale ; samplers, expanders et autres appareils de traitement sont activés en direct pour stimuler une interaction entre le son et le visuel qui soit de l’ordre, non plus du sens, mais de la substance.

Cet écart entre le son et le drame ouvre la dramaturgie théâtrale aux agencements et au contact des autres médias. Aussi, pour aider à fonder cette mutation de la syntaxe scénique, nous nous appuyons sur la notion d’intermédialité et sur la pratique du théâtre performatif.

C’est à partir de cet ancrage historique et théorique que notre pratique théâtrale se détermine ; la dramaturgie sonore que nous visons activerait le statut intermédiaire, voire instable de la dramaturgie actuelle toujours au carrefour des pratiques (du texte à la mise en scène, du jeu à la scénographie, de la scène à la salle) et engagée tout autant dans la théorie. De sorte que cet article pourrait se lire comme le récit d’une pratique ou la théorisation d’une recherche création sur la dramaturgie sonore au théâtre qui participe à la mise en question de la dramaturgie théâtrale en général. Car il est clair que si notre position sur le théâtre émerge d’une pensée, il s’agit avant tout d’une pensée en action (Gosselin 2006). À cet égard, sur le plan méthodologique, cette démarche repose sur le principe de recherche création qui consiste à comprendre la dynamique de création et sa portée épistémologique. Adaptée pour la création en art, cette démarche met en valeur le double mouvement de l’expérientielet du conceptuel. À les considérer conjointement, on obtient un mouvement d’interprétation à travers lequel l’un nourrit l’autre.

C’est donc en favorisant la description d’une pratique et sa théorisation que nous souhaitons rendre compte d’une pensée théâtrale en changement et en action. Pour cerner notre questionnement d’une possible dramaturgie sonore, nous voudrions restituer trois temps de nos premières explorations : l’écoute active, le geste sonore (du texte et du jeu) et l’environnement (sa délocalisation). Et ainsi, se demander si l’acte du son peut devenir une pensée critique et ainsi participer à construire une dramaturgie informe au théâtre.

Par l’écoute, suspecter nos acquis dramaturgiques

À l’instar de toute recherche, notre but est bien d’ébranler et suspecter un langage institué pour faire surgir ce qui fait problème. Créer une situation de crise et d’« abandon1 » dans laquelle nous (re)devenons d’abord un « être à l’écoute », un être adonné à l’écoute, formé par elle ou en elle, écoutant de tout son être (Nancy 2002, 17). Cette attention au son fait de nous surtout des écoutants. C’est-à-dire qu’à partir de l’audition qui dynamise et approfondit notre présence, une action émerge. C’est bien cet act of listening (Griffiths 2003, 107) qui nous permet de questionner cette orthodoxie qui domine la pensée du théâtre, d’en éprouver à la fois son pouvoir et sa fausseté. En étant à l’écoute d’un autre langage, l’équipe s’émancipe d’une conformité, s’écarte de règles ordinaires. Aller chercher cette écoute, cette place pour écouter, pour susciter un rapport d’écoute exige de chacun un démontage de ses acquis et appelle « la nécessité de se jeter ou de jeter quelque chose de soi-même hors de soi » (Didi-Huberman 1995, 338). L’immédiateté, l’urgence de (s’) entendre dépasse l’usage et favorise la faute. Le son cesse d’être un problème dans la mesure où on se dégage des contraintes de la forme. La sonorité étrangère de nos tentatives nous libère et crée des entremêlements faits de débris de sons et de débordements. On emprunte tel son avec tel autre sans souci d’unité. Fait de bric et de broc une langue se construit par bribes et autorise une maladresse, une puérilité voire une cocasserie. Il nous semble alors fondamental d’ouvrir cette recherche en laissant paraître que le son nous échappe : Le sens (sonore) ne serait-il pas d’abord et chaque fois une crise de soi (Nancy 2002, 22) ? On pratique et on pense autrement du théâtre, on l’explore dans la mesure où la loi est abolie, dans la mesure où il est désappris. Franchir des frontières, sortir de nos compétences se fait en jouant de notre incompétence. Ces premiers pas vers une autre pensée du théâtre nous permettent d’expérimenter une méthodologie de recherche création directement liée à une réflexion sur l’esthétique symptomale2 : à travers l’incompétence et une organisation non hiérarchisée, entretenir une position instable et donc mouvante en favorisant le retour du singulier dans le régulier (Didi-Huberman 2000, 195). À sortir de notre territoire, notre incompétence parvient à inventer une langue hors la loi car il y a quelque chose à propos du son qui est en quelque sorte hors de notre contrôle (Houston 2007, 85). Parler une langue étrangère revient parfois à parler maladroitement. Le surplus de langage que nous déployons montre que les incompétences révèlent des qualités de potentialité de changements (Nicolas-Le Strat 2007). L’incompétence du concepteur sonore manifeste un désir de texte, de dire le texte qui n’est généralement pas pris en compte par sa compétence. De même, l’acteur face au son prend le risque de « non-savoir comme accident du savoir, savoir de l’accident, savoir fait accident » (Didi-Huberman 1995, 350). Parce que l’épreuve du son est profondément involontaire (Quignard 1996), cette présence qui laisse venir à soi-même cette expérience du son se produit sans se douter. Nos improvisations, en émergeant d’un abandon et d’une distance, semblent inventer des expériences sonores par « étourdiment » ou par étourdissement (Crouzet 1981, 99). C’est par notre incertitude que notre écoute exacerbe, qu’elle grandit proportionnellement à son incomplétude (Deshays, 2010). Si notre relation sonore peut se voir comme simple et facile à obtenir, un jeu d’enfant, elle n’est pas rudimentaire pour autant. Elle n’est pas non travaillée ou non travaillant. Son geste est davantage du côté de l’originaire que du rudimentaire (Didi-Huberman, 2008). L’acteur peut ainsi se ressaisir de son insuffisance et produire un travail de formes informes mais un tel mouvement ne serait pas grand-chose s’il ne se répercutait pas, s’il ne se communiquait pas.

Le son se définit comme un mouvement vibratoire, en cela il devient une dynamique de propagation efficace qui peut motiver des mises en réseau multiples. Tendre l’oreille engage dans un mouvement physique de vibration et d’appel vers l’autre (en soi et hors de soi : le texte, le partenaire acteur et spectateur, l’objet, l’espacetemps, la lumière…). Cette curiosité et cette inquiétude sonore de l’autre —qui outrepasse nos compétences, change nos connaissances à notre insu—, provoque, ce que Fluxus et le Happening avaient déjà vérifié, un mouvement vers une théâtralité qui résulte d’une remise en question des catégories artistiques et de leur spécificité (Lussac 2004, 10). Depuis les avant-gardes qui ont poussé jusque dans leurs retranchements les logiques respectives des arts, on observe actuellement un goût marqué pour l’impureté des genres, qui fait se combiner les styles et les registres ; ceci particulièrement dans les arts de la scène (Bonté 2004, 22). Le théâtre contemporain devenu hétéromorphe accueille une pluralité de voix et de langages et engendre de nouvelles nécessités de matériaux, de représentations électroniques, de rétrécissement de distances et d’élargissement des points de vue (Guattari 1991, 27). Mixte par essence, il profite du mouvement « interartistique » qui met l’accent sur la dynamique à la fois relationnelle et différentielle (Lesage 2008). Dans cette perspective, beaucoup de créateurs contemporains préfèrent se centrer davantage sur les interactions qui se nouent entre les diverses composantes de l’événement théâtral. Néanmoins, comme le relève Hervé Guay (2008), la tension persiste entre la tradition fondue dans un grand tout monologique (dominé par la figure de l’auteur, puis par le metteur en scène) et une scène innovante dont les données dramaturgiques affirment un dialogue (ou un affrontement) à parts égales. Une hétérogénéité que Florence Baillet replace plus spécifiquement sur le plan sonore :

L’hétérogénéité est dans ce cas étroitement associée à l’idée de polyphonie, à ceci près qu’elle n’est pas seulement la trace d’une multiplicité des voix du dialogue mais surtout de leurs différences, de leur diversité fondamentale, qui permet un véritable dialogisme. Pour qu’il y ait dialogue au sens fort du terme et non simplement un monologue à plusieurs voix, il faut en effet une confrontation de singularités ; or c’est justement ce choc des altérités qu’exhibe l’hétérogénéité. (Baillet 2005, 28-29)

Aussi, notre équipe hétérogène et multidisciplinaire3 se confronte à un théâtre devenu une discipline hybride aux prises avec des enjeux théoriques et critiques qui échappent à ses méthodes d’investigation et à son champ de compétence historique. Le principe d’intermédialité pourrait aider à fonder durablement cette mutation de la syntaxe scénique en termes scientifiques comme sur le plan de la recherche méthodologique d’une pratique ; considérés comme des réseaux, les médias mènent à une nouvelle théorie des croisées (Müller 2007) où l’on voit un art en convoquer un autre et se réinventer en quelque sorte à travers lui. C’est l’artiste Fluxus Dick Higgins qui, en 1965, aurait le premier amené l’idée d’« intermédia » pour faire référence à la « fusion » ou au mélange des médias artistiques. Cette notion met au premier plan non seulement le média, ou les médias, mais aussi ce qu’il y a entre les médias. Le foyer d’étude n’est plus, donc, sur la chose (le média), mais sur les relations entre les choses4. Un entredeux qui permet de jouer de mise en relation, de saut, de mutation entre des niveaux de réalité que tout semblait opposer. Une esthétique de la mutation stimulée aussi par la présence de la technique qui a conquis elle-même une place parmi les procédés artistiques et qui, contrairement à certaines conceptions essentialistes, vient renouveler le spectacle vivant (Auslander 1999). Pour expliquer l’organisation hétéromorphe d’un média, Alexandra Dulic, qui étudie le théâtre d’ombre contemporain balinais pour des performances en multimédia, évoque l’idée d’une tresse complexe (Dulic 2007). Un concept qui peut supporter un système structuré d’improvisation, organisant une multiplicité de voix et un dialogue direct avec les matériaux du travail permettant à différents flots de la narration d’être disponibles pour être mélangés de différentes façons. Dans le débat contemporain à propos de l’intermédialité et du théâtre, il y a donc une augmentation encouragée par les possibilités interactives et infinies des nouveaux médias ; par contre, la discussion reste aux prises entre les études sur le sens et les études sur la matérialité (Darroch 2006).

En ce sens, l’objectif de notre programme s’inscrit directement dans cette discussion puisqu’il consiste à mettre en relation écriture sonore et écriture dramatique en s’appuyant sur l’art de la manipulation (notamment le théâtre de matériaux) qui, tout en appartenant au dispositif théâtral traditionnel, appelle au niveau conceptuel et matériel à l’ouverture interdisciplinaire (performance, arts numériques, art de l’installation, design, poésie sonore). Une approche qui participe à l’expérimentation de formes nouvelles dans lesquelles la matière se confronte au comédien. Ce théâtre contemporain d’objets —producteur de son et de sens visuel— impose des formes animées libres et hétérogènes dont l’effervescence créatrice attire les arts de la scène (Gerard 2001).

Cette pratique inter-médiale que représente l’art de manipulation concerne aussi l’expérimentation de la plasticité d’objets sonnants, c’est-à-dire un objet « en train de sonner », un vrai objet matériel qui génère un son, soit naturellement, soit par manipulation (Deshays 2006). Avant de produire du sens, cette approche tactile et matérielle du son, ce design sonore pourrait-on dire, nous permet de maintenir deux forces émergeantes de l’écoute : la sensation et l’altération. En s’intéressant à l’objet, on peut choisir de privilégier, tels les matérialistes russes au début du XXe siècle, la sensation sur la signification, de jeter un doute sur la réalité familière de cet objet à partir d’une manipulation qui en tire des possibilités inattendues, insolites.

D’un autre côté, l’emprise déchaînée, accidentée par l’altération de l’objet et de sa résonance, ouvre l’acteur dans l’écoute à une altérité avec le son, à un rapport d’un début de sens avec ce son. L’altération, c’est donc aussi le fait de l’autre, l’altérité sous toutes ses formes, qui peut se penser comme une disposition aux mouvements d’écoute et qui permet de tirer une augmentation de nos connaissances. Guattari note que :

D’une façon plus générale, tout décentrement esthétique des points de vue, toute démultiplication polyphonique des composantes d’expression, passent par le préalable d’une déconstruction des structures et des codes en vigueur et une plongée que je planifie de chaosmique dans les matières de sensation, à partir desquelles redeviendra possible une recomposition, une récréation, un enrichissement du monde, un peu comme on parle d’uranium enrichi, une prolifération non seulement des formes mais des modalités d’être. (Guattari 2004, 28)

Cette écoute incompétente, ce désir d’écoute né de l’étonnement (Deshays 2010), qui réhabilite la faute comme première étape critique de la valeur du son face au drame, ne refuse donc pas une forme : Non seulement l’impuissance est revendiquée mais elle est écrite, composée, construite (Didi-Huberman 1995). L’esthétique symptomale désignerait non pas le contenu clinique et symptomatique mais bien l’aspect formel et critique de l’œuvre. Une approche qui « engage une certaine compréhension de l’émergence (phénoménale) du sens, et […] une certaine compréhension de la prégnance (structurale) de la dysfonctionnalité » (Didi-Huberman 2000, 40).

Lors des présentations publiques de Dragage 005, nous nous proposons de poser un début de sens (sonore) à travers l’exploration de cette perte dramaturgique —celle de la subordination de l’action sur le son— qui ne va pas sans une construction, sans un authentique travail sur les formes.

Ainsi, quelle que soit sa fonction, on pourrait qualifier la dramaturgie actuelle d’informe et symptomale quand elle consiste à comprendre de quelles façons l’œuvre est toujours en débat avec ce qui la menace d’épuisement, mais également quand elle prend part à cette mise en épuisement, à cette volonté de défaillance en s’engageant, notamment, dans une hétérogénéité des formes et des méthodes pour maintenir le caractère labile de son écriture scénique. Par l’acte du son insubordonné (quoiqu’en écoute) au drame, on obtiendrait une dramaturgie informe qui s’intéresserait alors à une forme critique toujours singulière et toujours « impure » , à une crise des formes, une crise des formes familières. En jouer pour en faire œuvre, reviendrait à convoquer « une esthétique du démenti de toute consolation esthétique. En bref, une esthétique de la mise en symptôme du champ esthétique lui-même » (Didi-Huberman 1995, 14). La dramaturgie informe peut donc s’apparenter à un acte d’écoute pour aider une écriture théâtrale à revendiquer son démontage, sa forme faillible et équivoque, et faire résonner le sens en donnant du corps au son à travers le texte, le jeu et son environnement.

Par le geste sonore, inscrire la dramaturgie informe

Après cette phase de recherche pour faire exister une écoute et une présence active de cette écoute, il faut reconnaître que cette expérience, que cette traversée expérientielle nécessite de s’inscrire, de s’écrire et donc de déterminer un sens, une production de sens. Sur le plan de l’organisation, pour entamer véritablement notre première étape6, Dragage 01, nous modifions l’équipe en invitant des professionnels en spatialisation sonore et en manipulation d’objets7. Un engagement de personnes où une meilleure maîtrise des techniques propres au son et à la manipulation d’objets engage un dialogue qui reconnaît les déterminations contradictoires ou les divergences de formes. Par ailleurs, il nous faut donc choisir un champ d’exploration dans lequel notre dramaturgie informe met en valeur la dimension critique de l’œuvre, c’est-à-dire qui maintienne en présence du spectateur cette tension entre l’interprétation du texte et son explication (Danan 2010).

La performance se détachant du préalable pourrait mettre directement en jeu cette pensée en action de l’intermédialité entre théâtre et son, pourrait prolonger ce rapport tactile de l’écriture sonore, pourrait donner sens à un théâtre informe. Historiquement la performance a servi à décloisonner les genres, transgresser les limites et ouvrir les frontières. Roselee Goldberg (1999) montre que la performance a joué un rôle de catalyseur dans l’histoire de l’art au XXe siècle. Il semble bien que, chaque fois qu’un mouvement s’est trouvé dans une impasse, les artistes ont adopté la performance pour briser les catégories et rompre avec les normes et conventions en vigueur dans le but d’apporter des réponses novatrices et de réorienter l’action (9).

De notre côté, l’écoute du son, l’écoute active de notre présence au son génère effectivement un déplacement des composantes traditionnelles du théâtre. La performance devient le terrain privilégié pour faire de l’acteur un sujet à l’écoute, pour susciter chez lui une écoute hors de soi à travers une relation sensible et questionnante aux objets sonnants. Comme le propose Schechner (2008) à partir du champ de la performance, le théâtre performatif considère que l’acteur n’est plus seulement un véhicule du thème de la représentation mais aussi et surtout un sujet dans la représentation. C’est donc l’expérience subjective d’une immédiateté pour l’acteur et pour le spectateur qui est mise en jeu8. Un rapprochement se crée alors entre la sensation et la performance. La sensation devient non seulement un mode de production mais aussi de transmission. En fait, à l’aide de la performance, l’acteur trouve une possibilité de s’affranchir de la représentation en exaltant la part sensible et tactile avec l’objet pour privilégier une esthétique de l’effectuation. L’interrelation entre les différentes composantes (pas seulement celle de l’acteur avec le spectateur mais aussi celle de l’acteur et du spectateur avec le son, le texte, l’objet, l’espace, le temps…) au détriment de la représentation même contribue à déplacer un théâtre traditionnel vers une approche performative (Féral 2008). Ce déclassement libère la représentation et affirme une autonomie formelle. Une démarche qui se concrétise à travers l’emploi mis à découvert de la technique et de la fabrication qui, en réfutant les lois de la transparence, provoque l’irruption du réel, d’un référent palpable, impossible à dénier. Avec le théâtre de matériaux —pratique poche de la performance et forme contemporaine du théâtre de manipulation—, il nous est possible de mettre en jeu un matériau informe qui acquiert seulement sur scène et en cours de représentation, une signification décisive (Knoedgen 2004, 267). Une poïétique qui développe la fluidité, l’instabilité des signes en affirmant que le maniement de la matière s’éprouve aussi par accident. Pour Bataille, le matérialisme ne signifie pas que la matière est l’essence, ne consiste pas à identifier la matière à l’idée. Il s’agirait davantage de trouver des formes concrètes, toujours singulières de la matière pour contredire les formes idéales et autoritaires qui voudraient rendre toute chose intelligible :

Le mot matière répond donc avant tout au refus des solutions classiques, des solutions essentialistes. ‘Matière’, cela ne veut pas dire «éléments stables» d’un univers physique ou «principe explicatif» des phénomènes sensibles. Cela ne veut pas dire «matière morte» . Cela veut dire mouvement voyou […] élément non stable, accident, symptôme à vif de tout ce qui cloche dans l’idée à se faire de notre monde alentour et de nous-mêmes. Cela veut dire matière ‘basse’, et non matière ‘base’ : matière où le savoir se précipite, et non matière où le savoir trouverait son fondement. Cela ne veut pas dire unité dans la nature […] mais plutôt symptôme ou écart dans la forme. (Bataille 1929, 650)

Le symptôme pourrait donc aider à l’expression matérielle d’une écriture sonore et performative. Le symptôme comme sujet éprouve activement la technique non plus pour ce qu’elle possède de fiable mais bien de dysfonctionnel. Dans la performance, la défaillance et la mise en forme sont liées l’une à l’autre. Donc en même temps, de notre son insensé émerge une volonté de dire. Le théâtre performatif peut concevoir « une forme chaotique fortement enchâssée dans un vouloir-dire signifiant » (Chamberland 1992, 9).

De cette dramaturgie informe et symptomale, le texte lui-même revendique son impuissance à occuper le centre de l’écriture scénique à travers sa conception comme à travers sa mise en voix. Il apparaît que le texte n’est plus (seulement) désiré pour le message qu’il véhicule, pour le drame de l’action qu’il organise mais pour la capacité physique de son verbe : « peut-être faut-il que le sens ne se contente pas de faire sens (ou d’être logos), mais en outre résonne » (Nancy 2002, 19). Le texte pour transmettre du sens au théâtre appelle le corps et avant tout le corps de la voix. C’est donc là encore une relation étroite, un corps à corps entre l’oreille et la bouche dont il est question. Aussi, en s’intéressant à la voix on s’intéresse à la composante qui stimule et inscrit cette mutation du texte dramatique comme un matériau sonore. À travers ce texte pris comme matière parmi d’autres pour la scène, la dramaturgie se déplace complètement du côté d’une mise en scène « performative » capable de rendre immédiatement perceptible l’élaboration sonore et la perception du mot comme une chose tactile, non comme un signe. Quand l’acteur travaille par la voix pour approcher le texte, sa voix devient un espace de liberté car il est détaché du sens du texte (Pavis 2007). Dans l’univers sonore, la voix représente un corps, un corps sonnant capable de dépassement, de débordement, d’excès acoustique tout en restant à celui de qui elle émane (Zumthor 1992). Au cours de notre recherche, les masses sonores obtenues à partir d’objets sonnants sont vite accompagnées d’une exploration individuelle ou collective de la voix. Cette approche vocale rejoindrait ainsi ce que certaines nomment l’embodiment9, c’est-à-dire une pratique où la voix qui s’incarne dans le corps compose un corps, le corps de la voix qui produit à lui seul un événement sur le plan du théâtre et du son. Cette performativité de l’acte vocal fait écho aux propos de Zumthor sur la poésie sonore :

Elle proclame une vérité de la voix pure, en expansion jusqu’aux limites de l’audible. Dans cet espace ouvert, elle extravertit, par–delà son appareil phonatoire, un corps entier : les dents, la langue, le palais, le thorax, les profondeurs du ventre, dans et par les mouvements multiples d’un son qu’engendre l’unanimité des rythmes biologiques. (1992, 22)

Néanmoins, comme pourrait le dire Novarina, il s’agit d’un appel acrobatique pour tenir une « parole » sonore et non pas une projection virtuose des corps. Au contraire, et dans la mouvance de Fluxus, le travail de corps sur la voix est avant tout une relation d’écoute d’un matériau pauvre ; une écriture immédiate des sons et des corps, parfois irreprésentable en d’autres temps et lieux, qui favorise encore ce passage de l’œil à l’oreille, qui fait en sorte que le son signe le sens. C’est pourquoi l’acteur comme le concepteur sur scène doit se saisir d’une écoute multiple et transversale. En favorisant le corps et le son, le corps du son, son oralité s’accomplit comme subjectivation maximale du discours (Meschonnic 1995) et complexifie son écoute interactive et rythmique à l’espace de jeu. Espace d’écoute du corps sur la voix dont les relâchés sonores s’affirment comme processus d’approche du texte.

un bon coup
c’est ça
qu’on t’entende
la hache
un coup à dire
là sous la hache
chaque coup de hache de hache
ça va faire han mon gars
ça va faire han han
et la neige le regrettera10

Ce texte lui-même avec lequel nous avons cadré notre question du son au théâtre, « Dragage » , au-delà d’énoncer plusieurs actions théâtrales sonores, permet une prise du sens dramatique en s’attachant d’abord aux sons de la langue. Porté par des vagues successives, le rythme est celui d’un flux (stylistique, par un jeu de répétitions des mots comme des faits, et narratif, puisque son sujet est l’immigration) qui se constitue dans l’écoute, d’où un lien étroit avec la performance vocale. Comme Pavis le situe, ce texte peut se référencer au Theatre Workshop de Joan Littlewood, dont le travail sur les unités de l’action produisait un chevauchement continuel : « Avant qu’une unité ne se termine, la suivante avait déjà commencé. À de nombreux endroits du dialogue, il y avait un point où la pensée pouvait être comprise sans que toute la réplique soit dite » (cité par Patrice Pavis 2007, 52)11. Une méthode qui creuse la ligne historique de la poésie sonore et qui rappelle dans son processus de fabrication ce que Roland Barthes désignait de sa pratique d’écriture à haute voix

Eu égard aux sons de la langue, l’écriture à haute voix n’est pas phonologique, mais phonétique; son objectif n’est pas la clarté des messages, le théâtre des émotions; ce qu’elle cherche (dans une perspective de jouissance), ce sont des incidents pulsionnels, c’est le langage tapissé de peau, un texte où l’on puisse entendre le grain du gosier, la patine des consonnes, la volupté des voyelles, toute une stéréophonie de la chair profonde : l’articulation du corps, de la langue, non celle du sens, du langage. (Barthes 1973, 104-105)

Dragage est donc une (autre) matière sonore parmi les objets sonnants qui prolonge cette liberté vocale de l’acteur, une performativité qui dépasse les effets sociaux de la langue pour tendre vers une exploration singulière de l’acteur à sa parole12. La réflexion sur la place et la fonction de la parole dans le théâtre contemporain est en France surtout liée à l’œuvre d’Antonin Artaud, et aux recherches d’avant-garde. Chez les futuristes russes, on retient la « verbonovation » et l’invention d’une langue transmentale ou transrationnelle (zaoum). Concepts qui se prolongent aujourd’hui quand Zumthor (1992) écrit que la pensée est dans la bouche ou quand Meschonnic (1995) défend que l’écriture naît dans la matière et le travail permanent d’une physique du sens. Mais on peut rajouter, au regard de notre volonté de maintenir notre présence à l’écoute instable et mouvante, qu’inventer sa propre oralité c’est s’inquiéter sans fin dulangage (Crouzet 1981). À travers le texte « Dragage » , nous cherchons à nous confronter au théâtre par le théâtre, à en questionner le langage par ce même langage mais pris singulièrement ; dit autrement, ce « texte matériau » qui tout en revendiquant son appartenance au genre dramatique se veut en résonance avec d’autres genres littéraires et ainsi tente un conflit, un rapport critique au texte au théâtre. Cette volonté de rupture avec le langage commun a pour but (originairement encore) de nommer ‘autrement’ et d’apprendre d’une langue « privée »  : « […] pas une autre langue, ni un patois retrouvé, mais un devenir-autre de la langue, une minoration de cette langue majeure, un délire qui l’emporte, une ligne de sorcière qui s’échappe du système dominant » (Deleuze 1993, 10). C’est aussi une écriture par fragments, une mise en miettes où la forme dramatique interrompue et court-circuitée crée un jeu de bouts rimés, une addition de détails paraît comme une jouissance immédiate et non pas comme une recherche de proportions ou de structure.

Cette expérience physique du sens obtenue à travers une écoute et une résonance des sons nous fait accéder à des capacités nouvelles, une intensification de la voix et de l’écriture textuelle. Il en va de même dans la relation de corps avec l’objet sonnant qui déplace les fonctions de l’acteur.

Aujourd’hui, par la malléabilité des appareils, la mobilité et l’accessibilité de la régie, l’acteur semble enrichir le dialogue verbal du drame par son dialogue avec les objets. Les modes d’utilisation par les artistes des nouvelles techniques du son, loin de supprimer le jeu du théâtre, se présentent au contraire comme des laboratoires de son renouvellement (Mervant-Roux 2007). Se confronter à une machine ne change pas tant l’acteur que ça. Pourtant s’il tente de jouer ou mieux d’imiter la machine il se rend compte qu’il doit s’ouvrir à de nouvelles façons de penser, qu’il doit accepter certaines mutations cérébrales, inventer un nouvel usage de sa mémoire (Peyret 2010) et ainsi devenir porteur d’une transformation en termes de présence sur scène. Dans un contexte performatif sur le geste sonore, l’acteur, en déployant ses compétences, décloisonne sa fonction vers ce qu’on pourrait appeler l’actant. Pour Dragage 01, nous voulons concentrer notre recherche de méthodologie d’une pratique en passant par des contraintes techniques et esthétiques qui consistent à restreindre l’espace à une table pour favoriser la concentration des mouvements et la mise à vue du système de relations entre les objets sonnants, le texte et les acteurs. Cette monstration d’un bricolage générique inscrit le geste sonore dans le direct de sa réalisation, fait partager l’aventure d’une écriture en pleine hésitation. La part avant la représentation, ce que l’on pourrait désigner comme la recherche, la répétition, l’improvisation, la part la plus proche d’une réalité brute, directe, innocente, idiote même, est exposée. Ainsi, cette visibilité du statut et registre de l’objet et du jeu de l’acteur semble confirmer la possibilité « projectile » et la qualité tactile de la présence sonore que nous décrivons plus haut, donnant l’impression de la rendre plus matérielle pour l‘acteur et le spectateur. En révélant au spectateur la fabrication/exploration du geste, on lui laisse voir (ce qui implique une possibilité de comprendre) la question de la matérialité des processus médiatiques (Larrue 2010) et ainsi la sédimentation de notre dramaturgie sonore. Notre geste —derrière lequel se cachait sans doute une intention d’unité « originaire » entre le son et la source—, met en jeu ce que Schafer (1979) appelle l’objet sonore, objet de notre perception13.

Mais en définitive, nous nous confrontons à la limite d’un paysage sonore dans le théâtre performatif ; l’écoute active capable de définir la source du son relance une esthétisation de l’acoustique qui recrée de l’ordre là où le théâtre se veut un espace de perturbation. Mervan-Roux (2009) semble aller dans ce sens quand elle écrit que « l’idée d’une musicalisation générale et bienfaisante du réel est profondément étrangère à ce qui constitue la source vive de la pratique dramatique en Occident : la conscience ludique de la situation aiguë, violente, non guérissable, comique et tragique, de l’homme » (13). Ainsi l’approche davantage « musicale » de Murray Schafer apparaît parfois incompatible avec la recherche d’une dramaturgie sonore qui se veut informe et symptomale. De plus, cette « présence » matérielle du geste, cette proximité (tel un gros plan) soumet de nouveau la « présence » du son à la dramatisation de l’image scénique. Donner à voir le geste qui fait le son écrase l’écoute du son. Donc après avoir mis à vue la fabrication du geste (sa source), il s’agit dans l’étape suivante, Dragage 0214, de mettre en jeu différentes formes de « masquage » ou de « cloison15 » (Quignard 1996) de ce « geste sonore » en créant un écart entre les spectateur et les objets sonnants, entre les performeurs et les objets qu’ils manipulent et peut-être ainsi, revaloriser la place de l’écoute sur « la vue du son »  :

Photo Andrée-Anne Giguère – 2011

Photo Anick Martel – 2009

Cette visualisation du son obtenue par une privation partielle de la visibilité du geste (ici se cacher entièrement ou partiellement et se mettre de dos)16 remet en cause l’écoute active et tend à préférer une perte de signaux acoustiques individuels pour une surpopulation de sons. Ne pas être capable de définir la source, serait synonyme de bruit ou de masse sonore. Par masquage ou cloison sonore, l’identification du son devient alors plus ambivalente, plus « plastique » . Masquer le geste provoque un fourmillement de ce même geste. Ce jeu du geste plutôt que de l’absenter ne fait que le démultiplier, ne fait, pour le spectateur qui cherche à figurer le son, que créer des interprétations provisoires. Pour Artaud (1938), une figure qui masque ce qu’elle voudrait révéler a plus de signification pour l’esprit. Pour Pierre Schaeffer (1970), voir la source sonore n’est pas une préoccupation, ce qui l’intéresse ce sont les diverses associations possibles entre une multitude de sons différents, de sources différentes.

Avec Dragage 02, nous réactivons davantage la dynamique intermédiale de notre étude qui s’attache aux systèmes de relations pour donner du sens à l’objet créé ou exploré. L’écriture sonore nous apparaît comme une incitation médiatique à faire participer l’écriture dramatique à cette esthétique comme à cette pensée relationnelle inséparable de l’ouvert (Deleuze 1985).

Photo Andrée-Anne Giguère – 2011

Que ce soit dans Dragage 01 et Dragage 02, notre manipulation d’objets sonnants organiques, usuels ou numériques, et leur spatialisation nous confronte à un enchevêtrement, à des possibilités de translations et de transformations d’une dramaturgie théâtrale. Des entrelacs qui ne font qu’exprimer un passage d’une forme à une autre et créer des agencements. Un dépaysement médiatique du théâtre à travers son contact à une écriture sonore qui nous amène à construire un dispositif sculptural sonnant. Ce processus certes construit une image scénique, une action esthétiquement pertinente pour la relation entre le rythme et le récit qui se développe sur le plateau. Mais surtout cela provoque une sorte de dérive vers un théâtre d’installation qui semble émerger d’une autre écoute du son et entretenir la capacité hétéromorphique du dialogue engagé sur la scène théâtrale. Un itinéraire de recherche création qui met alors à découvert des réalités muables, des qualités d’égarement au contact de l’autre comme de l’ailleurs. La plasticité (mobilité et malléabilité) de ces corps nous dicte en quelque sorte un discours dramaturgique qui emprunte à celui des arts plastiques et de l’installation. Le son nous entraîne vers une écriture sémantiquement ouverte constituée d’une chaîne d’éléments secondaires comme une articulation libre qui interrompt la continuité dramatique et en même temps maintient des associations entre les matériaux. Ce geste produit une grammaire théâtrale singulière et aléatoire où « les signes se font signes […] où il ne s’agit pas de ce que signifie tel signe mais à quels autres signes il renvoie, quels autres signes s’ajoutent à lui, pour former un réseau » (Deleuze et Guattari 1980, 140). Cette dramaturgie informe façonnée par une écriture sonore et installative confirmerait sa qualité intermédiale et circonstancielle. De même, Deshays17 (2010b ; Propos recueillis par Macé) en se plaçant depuis les arts plastiques pour parler de « plasticité sonore » 18, s’intéresse au lien sonore entre les objets et les lieux, à leur mise en son : « Penser la plasticité sonore, c’est aussi penser sa circulation dans des espaces complexes, organiser des moments où les situations d’écoute imposent au récepteur des postures ou des placements de corps particuliers » . Si l’entrelacs sonore emporte l’écriture scénique vers des déviations esthétiques, il ne tarde pas à l’emporter vers des délocalisations géographiques.

La salle : Par l’in-situ sonore, délocaliser l’événement théâtral

Depuis les années 1980, le Surround occupe dorénavant la totalité de l’espace et attribue à la projection sonore une possibilité de dispersion et de précision nouvelle. Par les effets de quadriphonie, le public est intégré au paysage sonore. Le traitement sonore dépasse le rapport scène/salle pour réinstaurer une dimension temporelle et permettre à l’espace fictif d’englober le spectateur. Immergé, ce dernier se trouve de plus en plus face à un processus d’actualisation et dans un réseau de relations intersubjectives qui reconfigure le dialogue dramatique. Les sons ne sont plus seulement un objet à écouter, mais un lieu à habiter. Dans une possible réponse à cette évolution, la création sonore et théâtrale in-situ s’est récemment développée (Vautrin, 2010).

Aussi, pour expérimenter l’environnement sonore comme un champ de relations (et non de liaisons), lors de notre recherche, nous nous sommes délocalisés vers un autre territoire qui exacerbe la perception plastique de l’objet sonnant et la notion d’événement qui le fait entendre (Deshays 2010). Pour Dragage 01, nous sortons de la salle de répétition de l’université pour investir un lieu alternatif dit « le loft » qui nous dicte d’emblée un traitement plus marqué de la spatialisation sonore.

Si notre production de sons continue de maintenir une écoute avec des objets hétéroclites nous décidons d’amplifier nos manipulations et nos voix par des micros sans fil pour travailler des supports sonores et liquides19 et donc expérimenter d’autres résonances.

 

Photos Anick Martel – 2010

Photo Andrée-Anne Giguère – 2011 

Cette matérialité physique du son incite à disposer dans la salle une série d’enceintes éloignées les unes des autres et entourant le spectateur. Celui-ci a la possibilité (comme je leur annonce avant la performance) de s’asseoir ou de circuler librement derrière les rangées de chaises. Nous cherchons à lui faire entendre des différences entre le son émis par l’acteur sur scène et celui émis dans la salle. À ce moment de notre recherche, ce dispositif nous paraît une piste pour faire éprouver une désynchronisation du point de vue et du point d’écoute. Ce déplacement vers ce lieu inaccoutumé affirme aussi notre volonté d’entendre autrement un théâtre qui prend en compte l’espace et qui travaille sur le dispositif de diffusion comme paramètre déterminant pour penser le son comme un moteur de relations entre le geste (le corps), le texte (la voix), l’espace (son architecture comme sa mémoire). Nous mettre en situation d’un espace particulier aide à valoriser les enjeux de l’environnement acoustique pour questionner notre projet dramaturgique : « On ne voit pas en effet comment une nouvelle ‘terre’ pourrait être crée, sans qu’il y ait quelque transformation, ou délocalisation » (Deleuze et Guattari 1980, 602). Pour prolonger cette délocalisation du son au théâtre, avec Dragage 02, nous investissons en septembre 2010 le site 1903 de l’ancienne pulperie de Chicoutimi.

Friche industrielle en ruine détruit par le temps et un déluge, il est à lui seul un paysage aux contraintes sonores très ouvertes, une vaste ressource d’échantillons sonores : un toit nous abrite mais les alcôves nous exposent à tous les événements naturels. En plus, le lieu envahi de roches colle à la rivière Chicoutimi. La composition sonore doit tenir compte des facteurs spatiaux, temporels, sociaux, politiques et techniques qui mis ensemble définissent le contexte de la performance théâtrale (Salter 2010). Toutes ces contraintes finissent par devenir des composantes spatiales du son que le concepteur sonore (comme les acteurs) intègre à la recherche20. En résonnant avec et sur le lieu, le son donne à entendre son ambiance et son architecture : La conception sonore ne fait pas du son une image, un mouvement, un espace sans qu’inversement le lieu, le corps, le dispositif ne devienne son. Nous sommes véritablement dans une réciprocité jamais finie, un dialogue hétéromorphique entre l’originaire du lieu (de la structure ruinée du site à la roche, l’eau, le vent, le soleil) et nos outils technologiques (ordinateur, logiciels, micros, enceintes), une tresse complexe entre le sonore naturel et le sonore médiatisé.

Le résultat est déstabilisant mais l’expérimentation dramaturgique parait plus perceptible pour le spectateur. La qualité mémorielle, architecturale et sonore du lieu offre à l’ingénieur-compositeur,

 

Guillaume Thibert, la possibilité d’installer un dispositif multiphonique à huit haut-parleurs qui permet aux voix des acteurs et aux sons produits par la manipulation des corps sonnants de circuler librement dans l’espace scénique et d’élargir l’écoute à des aspects apparemment extérieurs au champ dramatique de la pièce. Ces sources sonores sont sporadiquement altérées naturellement ou électroniquement, pour les dénaturer, les amplifier, les dédoubler. Les paysages comme les masses sonores émergeant recréent alors des espaces tangibles qui enrichissent la réception du texte et les enjeux dramaturgiques de la performance (Thibert).

Le dialogue entre notre recherche théâtrale et sonore et le lieu, ce théâtre in situ, paraît déplacer aussi l’attente du spectateur. Artaud déjà avait repéré l’utilisation du son comme force physique et architecturale imprévisible pour créer des « espaces d’expression » chez le spectateur (Salter 2010). Le lieu prend sa « place » dans la réception d’une dramaturgie sonore qui se structure à partir de l’effet accumulatif de la résonance des corps et de l’interaction avec l’environnement (Goldman 2007). Si cette autre réalité théâtrale, c’est travailler à l’extérieur, c’est avant tout travailler dans le monde (Penders 1999). Cette écoute active du son outrepasse la place qui lui est traditionnellement dévolue au théâtre, d’autant plus à travers ce transport dans l’in-situ. L’environnement sonore et son étude est alors, par les gestes des actants comme par les aléas des circonstances naturelles, particulièrement instable et donc toujours en évolution. Cependant, à travers cette forme informe, une dramaturgie se reconnaît par le spectateur. Ce début de recherche contextuelle contribue à notre volonté d’altération des habitudes pour le créateur et le spectateur tout en stimulant une ouverture, tout en nous rapprochant d’une plus forte altérité ; un autre théâtre, un autre conception du sonore au théâtre inscrite dans une identité théâtrale qui défend un être ensemble où la situation est toujours première, où la dramaturgie informe consisterait en un partage de regard sur le monde plutôt qu’à une attention sur les personnages pris dans les réseaux d’un récit (Bonté 2004).

Conclusion : s’excercer à définir

Depuis Lessing (2009), la dramaturgie est considérée comme une pratique ouverte visant à questionner et à produire de la pensée. La démarche critique s’intègre à une démarche dramatique et scénique. À cet égard, en se confrontant à une autre énonciation du son dans l’organisation théâtrale, la dramaturgie informe que nous cherchons à appréhender à travers une méthodologique pratique, montre bien qu’elle s’inspire d’une pensée contemporaine du théâtre. Sa qualité intermédiale et performative participe à ce mouvement de transformation. Des structures scientifiques comme la Chaire de recherche du Canada en création sur la dramaturgie sonore (dont je suis titulaire depuis juin 2010), ou comme le Centre de Recherche sur l’intermédialité (et notamment le groupe de recherche sur « le son du théâtre » 21 dirigé par Jean-Marc Larrue et Marie-Madeleine Mervan-Roux), s’approprie le changement de façon systématique, sur le plan de la création et de la théorie, de cette dimension sonore au théâtre. Ces recherches tendent ainsi à redéfinir le discours théâtral, à le compléter. Seulement il faut bien reconnaître que la dramaturgie actuelle s’apparente de plus en plus à une matière vive capable de glissements de terrain qui certes enrichissent sa morphologie mais embrouillent sa géographie. Depuis toujours, le théâtre n’appartient pas à une discipline isolée, et dans cette même logique, la dramaturgie sonore ne s’appartient pas pour se définir. Plus encore aujourd’hui, elle est constituée d’un ajustement de catégories, d’un croisement de critères et de cases vides. Une fragilité qui s’avère fondamentale pour une ouverture à des formes de textes, de jeux et de présences nouvelles, plus souples qu’auparavant, qui permettent de tenter des rapprochements, des collusions de structure, des échanges étranges, des agencements. Un théâtre « complexe » , un théâtre informe difficile à cerner qui, en s’appuyant sur la pensée d’un Edgar Morin22, pourrait affirmer cette imprécision comme une volonté de se maintenir toujours dans l’en-cours de sa formation et, ainsi, ne pas interrompre la mise en débat de son langage.


1 Pour les préliminaires de notre recherche, Dragage 00, si notre équipe était composée de deux étudiants en arts audio numériques, nous n’étions pas accompagnés d’expert en son du théâtre comme ce sera le cas pour la première étape Dragage 01 qui saura orienter nos expérimentations vers plus de structure technique et vers une forme scénique plus écrite.

2 Réflexion menée principalement à partir de Georges Didi-Huberman (1995), La ressemblance informe ou le gai savoir selon Georges Bataille, et Michel Crouzet (1981), Stendhal et le langage.

3 Équipe constituée volontairement d’étudiants de premier et deuxième cycles (théâtre, cinéma, arts plastiques et arts numériques), de professeurs (théâtre et arts numériques) et d’un technicien (de plateau).

4 Voir le site du Centre de Recherche sur l’Intermédialité : http://cri.histart.umontreal.ca

5 Avant même l’obtention d’une subvention, j’ai voulu vérifier le potentiel des principaux préalables de ce projet: texte, choix de corps sonnants, spatialisation sonore et scénographie. Ces préliminaires ont donné lieu en janvier 2009 à trois présentations publiques, au Studio de l’Université de Québec à Chicoutimi (Canada).

6 Première étape de recherche financée par le Fond Québécois de la Recherche sur la Société et la Culture (FQRSC) à travers la subvention de « nouveau professeur chercheur créateur ».

7 Dany Lefrançois, spécialiste en marionnettes, et Guillaume Thibert, spécialiste en écriture sonore (composition et spatialisation), donneront des ateliers de formation et d’expérimentation. Ils finiront par intégrer les présentations finales devant public, et devenir ainsi des cocréateurs chercheurs.

8 De même, Josette Féral résume à partir des expériences de Schechner, que la première idée forte dans l’œuvre performative est son événementialité (« it happens » , dit Schechner) développant autant que possible une fluidité, une instabilité des signes (2008, 28-35).

9 Pavis, pour éviter les connotations mystiques de l’incarnation, traduit « embodiment » par « incorporation » ou « mise en corps » . En outre, il tient à ne pas réduire cet aspect à une seule description du verbe mais bien à l’ensemble des actions et de la gestuelle dans une mise en scène ou une performance. De sorte qu’il souligne que « le corps est ressenti par l’acteur et le spectateur dans ses qualités de totalité ou de fragmentation » , (2007, 54). À cet égard, notre analyse considère la voix comme un des signes dans l’ensemble « des corps » mis à l’écoute du son. C’est donc pour sa qualité générique que nous voulons l’évoquer.

10 Jean-Paul Quéinnec, Dragage, (Fontainebleau: Éditions Quartett, 16, à paraître). Cette pièce traite du flux de migrants toujours dans l’en-cours de leurs déplacements. De même, les récits s’emboîtent et se retournent sur eux-mêmes. Du naufrage d’un « boat-people » , à la « vie » de noyés sous l’eau, on assiste à l’arrivée de quatre immigrants sur une terre du nord étrangère. Pendant unmoment, l’action se déroule sur un lac gelé qui paraît comme une plaine blanche où tout est possible pour se refaire. Mais le lac finit par se briser et toutretombe à l’eau. De nouveau, on revient à la vie des noyés qui cette fois nousparlent de la dissolution de leur corps sous l’eau. J’ai choisi cette pièce pour sescapacités à être traitée comme un matériau dramatique toujours en processus.

11 Voir Clive Barker. « Joan Littlewood » . In Twentieth-Century Actor Training, 124. Éd. Alison Hodge. Londres : Routledge. 2000.

12 Sans me prêter des prétentions linguistiques, il me paraît ici pertinent de rappeler (même de manière très succincte) que d’après Ferdinand Saussure, la langue est un produit social et représente la société, la communauté, le système, tandis que la parole est l’acte individuel qui réside dans l’exploitationde la langue. Selon la conception «idéaliste» , qui était celle de Saussure, cettedistinction permet de séparer nettement, d’une part l’aspect social et essentielde la langue, d’autre part l’aspect individuel, secondaire et plus ou moins accidentel de la parole. Dans sa continuité, Chomsky montre bien que la parole est« novatrice, libre du contrôle des stimuli, adéquate et cohérente » (Chomsky2009, 336).

13 Pour distinguer l’objet que l’on fait « sonner » de ce concept de « l’objet sonore » , Deshays (2006) propose l’expression « objet sonnant » .

14 Étape qui a été l’occasion d’une présentation publique en juin et septembre 2010 dans le cadre du Festival International des Arts de la Marionnette, au musée de La Pulperie de Chicoutimi (Canada). C’est aussi à ce moment que je suis nommé titulaire d’une Chaire de recherche du Canada, intitulée « Pour une dramaturgie sonore au théâtre » .

15 « La musique est liée de façon originaire au thème de la ‘cloison sonore’. Les plus anciens contes usent de ce thème de l’oreille tendue, ou de la confidence surprise, par-delà la tenture » (Quignard 1996, 22).

16 Nous avons expérimenté plusieurs formes de masquage sonore : se cacher, se mettre de dos, s’éloigner, obstruer un haut parleur, superposer des sources sonores, les dénaturer, inverser les sources, etc.

17 Voir www.mouvement.net

18 Une position qui appuie celle que nous défendons où l’écoute des sons nous renvoie à une sensation des matières : à un poids, à la puissance d’un flux, etc., et ainsi, à la mise en scène de l’existence du sonore en tant que matérialité plastique.

19 L’eau qui devient une matière prépondérante sur le plateau illustre des aspects narratifs et esthétiques du texte mais surtout affirme au son sa présence fluide.

20 Alain Mahé travaille principalement à partir du logiciel Max/msp, développé à l’origine par l’ircam. Avec cet outil, il traite les sources sonores (pour Dragage 02, il s’est particulièrement préoccupé du son des roches) en temps réel grâce à la synthèse granulaire qui divise le son en courtes « granules » pour ensuite les altérer individuellement. Ces modifications des segments du signal sonore original peuvent être de nature temporelle (allongement, espacement, répétition, etc.) ou spectrale (hauteur tonale, filtrage, etc.). Les granules peuvent ensuite être spatialisées en les redirigeant vers les différents haut-parleurs. Guillaume Thibert, Descriptif du dispositif Dragage 02, www.dramaturgiesonore.com (consulté le 25 novembre 2010).

21 Voir http://lesondutheatre.com

22 « La pensée complexe est animée par une tension permanente entre l’aspiration à un savoir non parcellaire, non cloisonné, non réducteur, et la reconnaissance de l’inachèvement et de l’incomplétude de toute connaissance » . Edgar Morin (2005, 11-12).


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Quéinnec, J.-P. (2011). Une pensée en action du son au théâtre. Literatura: teoría, historia, crítica, 13(1). https://revistas.unal.edu.co/index.php/lthc/article/view/23663

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Quéinnec, J.-P. 2011. Une pensée en action du son au théâtre. Literatura: teoría, historia, crítica. 13, 1 (ene. 2011).

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Quéinnec, J.-P. Une pensée en action du son au théâtre. Lit. Teor. Hist. Crít. 2011, 13.

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QUÉINNEC, J.-P. Une pensée en action du son au théâtre. Literatura: teoría, historia, crítica, [S. l.], v. 13, n. 1, 2011. Disponível em: https://revistas.unal.edu.co/index.php/lthc/article/view/23663. Acesso em: 24 abr. 2024.

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Quéinnec, Jean-Paul. 2011. «Une pensée en action du son au théâtre». Literatura: Teoría, Historia, crítica 13 (1). https://revistas.unal.edu.co/index.php/lthc/article/view/23663.

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Quéinnec, J.-P. (2011) «Une pensée en action du son au théâtre», Literatura: teoría, historia, crítica, 13(1). Disponible en: https://revistas.unal.edu.co/index.php/lthc/article/view/23663 (Accedido: 24 abril 2024).

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J.-P. Quéinnec, «Une pensée en action du son au théâtre», Lit. Teor. Hist. Crít., vol. 13, n.º 1, ene. 2011.

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Quéinnec, Jean-Paul. «Une pensée en action du son au théâtre». Literatura: teoría, historia, crítica 13, no. 1 (enero 1, 2011). Accedido abril 24, 2024. https://revistas.unal.edu.co/index.php/lthc/article/view/23663.

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1.
Quéinnec J-P. Une pensée en action du son au théâtre. Lit. Teor. Hist. Crít. [Internet]. 1 de enero de 2011 [citado 24 de abril de 2024];13(1). Disponible en: https://revistas.unal.edu.co/index.php/lthc/article/view/23663

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