Les facteurs de motivation, l’engagement et l’identité professionnelle des enseignants d’anglais de spécialité en BTS: résultats d’une enquête
Motivational factors, commitment, and professional identity of teachers of specialized English in vocational training in French higher education (BTS): results of a survey
Factores de motivación, desempeño e identidad profesional de los profesores de inglés especializado en el Diploma de estudios superiores (BTS): resultados de una encuesta
DOI:
https://doi.org/10.15446/male.v15n1.103353Palabras clave:
anglais de spécialité, BTS, engagement, enquêtes, facteurs de motivation des enseignants, identité professionnelle, représentations (fr)engagement, motivational factors of teachers, professional identity, representations, specialized English, survey, vocational training in higher education (en)
desempeño, diploma de estudios superiores, factores de motivación de los profesores, identidad profesional, encuesta, inglés especializado, representaciones (es)
Descargas
La motivation des enseignants d’anglais en classe de BTSest une thématique de recherche peu étudiée. En effet, ces enseignants se trouvent face à des étudiants peu motivés qui doivent être opérationnels à l’issue de leur formation, ce qui pourrait avoir un impact sur la motivation et l’identité professionnelledes enseignants. La motivation étant un processus non mesurable, cet article a pour objectif essentiel d’éclaircir les facteurs de motivation des enseignants d’anglais de spécialité en BTS et leur engagement. Un autre objectif est d’examiner les conséquences éventuelles sur la construction de leur identité professionnelle. Cette recherche exploratoire a été menée sous la forme d’enquêtes dans l’Académie de Toulouse,en France,auprès d’enseignants d’anglais en BTS. Les résultats ont révélé que pour la majorité des enseignants, malgré des contraintes institutionnelles importantes, la relation avec les étudiants et l’autonomie dans leurs pratiques enseignantes leur permettent de poursuivre leur mission. Cette recherche a souligné l’existence de liens entre les représentations que les enseignants ont de leur profession et leur identité professionnelle.
The motivation of English teachers in vocational training in higher education (BTS) is a rarely studied research topic. Indeed, these teachers are faced with unmotivated students who must be operational at the end of their training, which could have an impact on the teacher’s motivation and professional identity. As motivation is a non-measurable process, the main objective of this article is to clarify the motivational factors of teachers of specialized English in BTSand their engagement. Another objective is to examine the possible consequences on the construction of their professional identity. This exploratory research was conducted with the teachers concerned in the form of surveys in Toulouse areain France. Results reveal that for the majority of teachers, despite significant institutional constraints, theirrelationship with students and theirautonomy in their teaching practices allow them to continue their mission. This research highlights the existence of links between teachers’representations of their profession and their professional identity.
La motivación de los profesores de inglés especializado en el Diploma de estudios superiores de BTS, es un tema de investigación poco estudiado. En efecto, estos profesores se enfrentan a alumnos poco motivados que deben ser operativos al final de su formación, lo que podría repercutir en la motivación e identidad profesional de dichos profesores. Dado que la motivación es un proceso no medible, el objetivo principal de este artículo es aclarar los factores de motivación de los profesores de inglés especializado en BTS así como su desempeño. Otro objetivo es examinar las posibles consecuencias en la construcción de su identidad profesional. Esta investigación exploratoria se realizó en forma de encuestas en la academia de Toulouse,en Francia, con profesores de inglés especializado en BTS. Los resultados revelaron que, para la mayoría de los profesores, a pesar de las importantes limitaciones institucionales, la relación con los estudiantes y la autonomía en sus prácticas docentes les permitían cumplir su misión. Esta investigación puso de manifiesto la existencia de vínculos entre las representaciones que los profesores tienen de su profesión y su identidad profesional.
Recibido: 26 de junio de 2022; Aceptado: 23 de noviembre de 2022
Résumé
La motivation des enseignants d’anglais en classe de BTS est une thématique de recherche peu étudiée. En effet, ces enseignants se trouvent face à des étudiants peu motivés qui doivent être opérationnels à l’issue de leur formation, ce qui pourrait avoir un impact sur la motivation et l’identité professionnelle des enseignants. La motivation étant un processus non mesurable, cet article a pour objectif essentiel d’éclaircir les facteurs de motivation des enseignants d’anglais de spécialité en BTS et leur engagement. Un autre objectif est d’examiner les conséquences éventuelles sur la construction de leur identité professionnelle. Cette recherche exploratoire a été menée sous la forme d’enquêtes dans l’Académie de Toulouse, en France, auprès d’enseignants d’anglais en BTS. Les résultats ont révélé que pour la majorité des enseignants, malgré des contraintes institutionnelles importantes, la relation avec les étudiants et l’autonomie dans leurs pratiques enseignantes leur permettent de poursuivre leur mission. Cette recherche a souligné l’existence de liens entre les représentations que les enseignants ont de leur profession et leur identité professionnelle.
Mots clés
anglais de spécialité, BTS, engagement, enquêtes, facteurs de motivation des enseignants, identité professionnelle, représentations.Abstract
The motivation of English teachers in vocational training in higher education (BTS) is a rarely studied research topic. Indeed, these teachers are faced with unmotivated students who must be operational at the end of their training, which could have an impact on the teacher’s motivation and professional identity. As motivation is a non-measurable process, the main objective of this article is to clarify the motivational factors of teachers of specialized English in BTS and their engagement. Another objective is to examine the possible consequences on the construction of their professional identity. This exploratory research was conducted with the teachers concerned in the form of surveys in Toulouse area in France. Results reveal that for the majority of teachers, despite significant institutional constraints, their relationship with students and their autonomy in their teaching practices allow them to continue their mission. This research highlights the existence of links between teachers’ representations of their profession and their professional identity.
Keywords
engagement, motivational factors of teachers, professional identity, representations, specialized English, survey, vocational training in higher education.Resumen
La motivación de los profesores de inglés especializado en el Diploma de estudios superiores de BTS, es un tema de investigación poco estudiado. En efecto, estos profesores se enfrentan a alumnos poco motivados que deben ser operativos al final de su formación, lo que podría repercutir en la motivación e identidad profesional de dichos profesores. Dado que la motivación es un proceso no medible, el objetivo principal de este artículo es aclarar los factores de motivación de los profesores de inglés especializado en BTS así como su desempeño. Otro objetivo es examinar las posibles consecuencias en la construcción de su identidad profesional. Esta investigación exploratoria se realizó en forma de encuestas en la academia de Toulouse, en Francia, con profesores de inglés especializado en BTS. Los resultados revelaron que, para la mayoría de los profesores, a pesar de las importantes limitaciones institucionales, la relación con los estudiantes y la autonomía en sus prácticas docentes les permitían cumplir su misión. Esta investigación puso de manifiesto la existencia de vínculos entre las representaciones que los profesores tienen de su profesión y su identidad profesional.
Palabras clave
desempeño, diploma de estudios superiores, factores de motivación de los profesores, identidad profesional, encuesta, inglés especializado, representaciones.La motivation des enseignants d’anglais en classe dite de Brevet de techniciens supérieurs (BTS 2 ) reste un thème de recherche peu étudié jusqu’à présent. Pourtant de nombreuses études figurent sur la motivation des apprenants et un peu moins sur les enseignants. Le présent article a pour objectif principal d’analyser, à travers une recherche exploratoire fondée sur une méthodologie qualitative 3 , le processus de motivation des enseignants d’anglais en BTS en France. Notre second objectif est d’examiner son impact éventuel sur la construction de leur identité professionnelle.
Dans la mesure où la motivation est représentée comme un processus psychologique (Fenouillet, 2012), il nous semble difficile de la mesurer. Fenouillet (2012) envisage la motivation comme « un construit psychologique composé d’étapes, créé par des facteurs internes et/ou externes à l’organisme, qui peut ou non avoir pour effet de conduire l’individu à prendre certaines décisions, à mettre en place certaines stratégies pour aboutir à un ou à plusieurs résultats consciemment anticipés ou non » (p. 63). Nous nous appuierons sur le modèle intégratif de Fenouillet (2012) pour faire des rapprochements entre les théories motivationnelles sur la base des concepts (utilisés ou avec de fortes ressemblances), d’où notre intérêt pour la théorie de Fenouillet, le modèle de Dörnyei (2001) et la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan (1985), dont l’intérêt s’explique par les trois besoins psychologiques fondamentaux de l’individu – d’autonomie, de compétence et d’affiliation –, qui nous semblent pertinent d’examiner chez les enseignants de BTS. C’est pourquoi dans cette perspective nous nous attacherons, comme le préconisent Narcy-Combes et Narcy-Combes (2019), aux données observables – les facteurs – et à d’autres concepts comme l’engagement 4 qui est « quantifiable » (Ibid.). Nous étudierons les facteurs internes (ex. goût pour la discipline) et externes (ex. conditions de travail) de la motivation qui incitent des personnes à devenir enseignants d’anglais en BTS ainsi que ceux pour continuer dans cette profession, c’est-à-dire que nous analyserons ce qui influence la persistance dans cette profession. Pour ce faire, nous nous intéresserons aux représentations des enseignants dont Starkey-Perret (2013) nous explique l’importance : les représentations qu’ils construisent sur leur rôle font émerger « la nature complexe de [leur] investissement » (p. 4) ou de leur engagement. Puis, nous mettrons en lumière dans quelle mesure les représentations que les enseignants ont de leur profession permettent de construire leur identité professionnelle. Notons que Starkey-Perret (2013) souligne l’influence des retours sur investissement 5 « d'ordre symbolique ou matériel » (p. 5) pour le développement de l’identité professionnelle des enseignants.
Avant de nous arrêter sur les concepts de motivation et d’identité professionnelle, nous préciserons la formation des enseignants d’anglais en BTS afin de voir si cette formation entre en jeu dans la motivation des enseignants.
Contexte : les enseignants de langues étrangères en Section de Technicien Supérieur
Le brevet de technicien supérieur (BTS) est un diplôme national de l'enseignement supérieur professionnel français créé par le décret du 26 février 1962. Il se prépare dans une section de technicien supérieur (STS).
Il n’existe pas de concours de recrutement d’enseignants spécifique aux STS ni de formation particulière pour les futurs enseignants de ces filières. Il suffit d’être titulaire d’un CAPES 6 ou d’une agrégation pour avoir accès aux heures d’enseignement en BTS.
Programmes
Les programmes d’anglais en BTS sont définis par les référentiels de chaque BTS. Cependant, ils sont rarement détaillés. Ceci pose des difficultés aux enseignants d’anglais qui sont alors peu guidés par les textes sur le contenu pour créer leurs cours. Dans toutes les STS (accessibles uniquement avec le baccalauréat pour les étudiants depuis 2019 7 ), la première langue étrangère est généralement l’anglais. Les candidats devront avoir atteint le niveau B2 (Conseil de l’Europe, 2001) à la fin de la 2e année, niveau difficile à atteindre pour la plupart d’entre eux.
Le public d’étudiants en STS
La massification des étudiants dans le secteur post-baccalauréat a débuté dans les années 1960 et depuis le public a beaucoup changé (Mettetal, 2020). Il existe un système de discrimination positive pour les titulaires de baccalauréat professionnel sous forme de quota obligatoire, à condition que le domaine du BTS soit cohérent avec le domaine du baccalauréat professionnel. De nombreux titulaires de baccalauréats technologiques s’inscrivent dans cette formation bien qu’ils bénéficient de cette discrimination positive plutôt en Institut universitaire de technologie. Il reste donc peu de places pour les bacheliers des séries générales (séries qui tendent à disparaître depuis la réforme du lycée).
Certains étudiants qui ont échoué à l’université ou qui ont décidé de changer d’orientation postulent dans les filières de BTS. Le niveau d’anglais s’avère extrêmement hétérogène (de A2 à C2). Les comportements d’une minorité ne sont pas toujours conformes à ceux d’étudiants majeurs. Vraisemblablement, certains manquent de maturité ou d’intérêt pour la filière ou l’anglais. Quelques étudiants auront fait un choix d’orientation par dépit, et cela peut expliquer leur désaffection.
Langue de spécialité
Les filières de STS faisant partie de l’enseignement supérieur impliquent un enseignement de la langue de spécialité (LSP). En France, les chercheurs tels que Petit (2002) s’orientent plutôt vers l’anglais de spécialité (ASP) définie comme « la branche de l’anglistique qui traite de la langue, du discours et de la culture des communautés professionnelles et groupes sociaux spécialisés anglophones et de l’enseignement de cet objet » (p. 2).
On peut dire que la LSP est la langue utilisée entre professionnels d’un même domaine. Elle se caractérise non seulement par la terminologie et d’autres aspects linguistiques (grammaire, style, etc.) mais également par la culture spécifique des milieux qui utilisent cette langue (Trouillon, 2010).
Deux difficultés concernent l’ASP dans les filières des STS. La première réside dans le grand nombre d’ASP. Effectivement, presque chaque filière en possède une, sauf si les professions sont du même domaine comme le commerce par exemple. La deuxième provient de la manière de faire concorder le niveau des supports et des évaluations aux niveaux du CECRL tout en conservant la spécificité de l’ASP. En effet, la langue professionnelle n’est pas toujours prise en compte dans ce cadre, malgré la publication du volume complémentaire (Conseil de l’Europe, 2018).
Cadre théorique
Motivation
Le terme de motivation est utilisé dans le langage courant (Fenouillet, 2017), alors qu’il est distinct dans un cadre de recherche. De nombreux chercheurs se sont emparés du concept de motivation pour tenter de le définir, et de nombreuses théories sont apparues dans différents domaines de recherche, tout particulièrement en psychologie.
Nous nous concentrerons sur la motivation qui est considérée comme un processus psychologique plutôt que comme un état dans le cadre des apprentissages (Fenouillet, 2012). La motivation fluctue en permanence en fonction des individus, des périodes de la vie, du contexte et de l’environnement socio-culturel dans lequel vivent les individus. Nous nous référons au modèle de Dörnyei (2001) sur la motivation des apprenants de langue seconde, repris par Fenouillet (2010), pour aborder la formation des adultes. Étant donné que notre étude porte sur la motivation des enseignants d’anglais en BTS et que la motivation n’est pas mesurable, nous nous intéresserons à la notion d’engagement des apprenants adultes dans la formation. En effet, sa vision psychologique du concept de la motivation appliquée à la formation des adultes nous aidera à mieux comprendre comment les besoins en formation des enseignants peuvent être satisfaits et quelle sorte de formation ces derniers préfèreraient. Bien que la motivation chez les apprenants adultes soit souvent issue des théories du monde scolaire ou universitaire, Fenouillet l’envisage différemment et prend en compte les émotions. Par exemple, l’évaluation des connaissances chez les adultes est problématique car elle touche à l’estime de soi. Contrairement aux élèves, qui sont contraints tout le long de leur scolarité d’accepter le contenu de leur formation et des évaluations régulières, les adultes peuvent être acteurs de leurs choix de formation et construire leur formation. La motivation est donc un processus basé sur une combinaison de facteurs – internes et externes – qui explique la dynamique individuelle d’engagement en formation pour adulte.
Fenouillet (2009) fait le lien entre « motivation » et « persistance » qu’il explique ainsi : « La motivation désigne une hypothétique force intra-individuelle protéiforme, qui peut avoir des déterminants internes et/ou externes multiples et qui permet d’expliquer la direction, le déclenchement, la persistance et l’intensité du comportement ou de l’action » (p. 3). La persistance étant une notion importante dans la formation ou dans l’exercice d’une profession, Fenouillet (2010) la caractérise comme suit :
Adopter un comportement sur la durée peut s’expliquer d’un point de vue motivationnel à partir du moment où son maintien nécessite l’exercice volontaire d’une certaine force [...]. Expliquer la persistance consiste donc à comprendre la nature de cette volonté à faire perdurer l’action ou le comportement (s.p.).
Dörnyei (2009) a postulé le paradigme lié à la construction de l’identité qui a lui aussi un champ d’application plus grand que celui de la didactique de la langue seconde. Cet auteur fait le lien entre l’engagement de l’apprenant dans le processus d’apprentissage, ses motifs internes et les pressions sociales, qui peuvent influencer sa motivation, motivation qui peut être changeante. Les enseignants sont des apprenants non seulement avant leur entrée dans la profession mais aussi tout au long de leur vie professionnelle. Les émotions qu’ils ressentent vont avoir un impact sur leur motivation et sur leur identité professionnelle.
Théorie d’auto-détermination
La théorie de l’autodétermination (TAD), développée par Deci et Ryan (1985), est une théorie psychologique de la motivation et de la personnalité. Selon la TAD, différents types de motivation peuvent être repérés et classés en fonction de leur degré d’autodétermination. Par exemple, une motivation est qualifiée d’autodéterminée lorsque l’individu accomplit l’activité par lui-même. La motivation est « non autodéterminée » lorsque l’individu répond une pression externe ou interne en exécutant une activité.
En outre, cette théorie s’appuie sur trois types fondamentaux de besoins psychologiques que les individus cherchent à satisfaire :
-
Les besoins d’autonomie
-
Les besoins de compétence
-
Les besoins d’affiliation (de relation avec autrui).
Identité professionnelle
Distinction entre métier et profession
Adam (2012) distingue le métier de la profession. Le métier fait référence à une manière d’être, à une pratique, alors que la profession fait référence à une déclaration de ses convictions, de ses idées, de son engagement. Selon Jellab (2017), depuis la création en 2013 des Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation 8 , l’injonction à la professionnalisation est forte. Les professions qui ont un rapport avec les autres sont des professions en constante évolution. Cette injonction à la professionnalisation montre la nécessité de « « se former tout au long de la vie » et d’élargir son domaine de compétences à des savoir-faire ne se limitant pas à un perfectionnement dans « sa discipline » » (p. 4).
Définition
Perez (2006) affirme que « l’identité s’inscrit dans une perspective dynamique et intègre les différentes expériences de l’individu tout au long de la vie », c’est-à-dire que l’individu doit s’adapter « aux changements plus ou moins souhaités et/ou contrôlés » qui s’opèrent dans sa vie professionnelle tout en essayant de « rester le même au fil du temps » (p. 209). « Il élabore une image de soi en relation (accord, tension, contradiction) avec celle que, selon lui, les autres lui attribuent. Cela conduit à un sentiment de reconnaissance ou de non-reconnaissance d’autrui essentiel dans la construction identitaire » (p.110). L’identité professionnelle est un ensemble de représentations que l’individu se fait de « la discipline, du métier, des pratiques professionnelles » (p. 110). Ces représentations sociales sont porteuses de valeurs et rendent la pratique plus significative. Autrement dit, en fonction de ces représentations, l’individu va pouvoir s’impliquer dans son travail selon les valeurs qui lui sont propres, à condition de ressentir une forme de contrôle sur ce qu’il fait et également à condition qu’il en tire une certaine reconnaissance sociale.
Ces recherches nous amènent à envisager l’identité professionnelle comme suit : c’est un processus progressif car l’identité professionnelle se construit au fil du temps et par rapport à l’expérience professionnelle acquise. Cela signifie s’identifier, reconnaître appartenir à telle ou telle profession et être reconnu par les acteurs sociaux avec qui l’individu est en relation. L’identité professionnelle est profondément liée à l’identité personnelle (Moyne, 2000), l’une déteint sur l’autre. Cet auteur déclare que c’est le regard de l’autre qui peut mettre mal à l’aise.
Méthodologie
Notre question de recherche est la suivante : qu’est-ce qui motive un enseignant d’anglais à choisir d’enseigner en BTS et qu’est-ce qui lui permet de continuer dans cette profession ?
Pour répondre à la question de recherche, nous avons mis en place une recherche exploratoire en 2020 fondée sur une méthodologie qualitative. L’objectif est de mettre en lumière les facteurs de motivation des enseignants d’ASP en BTS dans le processus de motivation, notamment en début de carrière, et ce qui les incite à continuer dans cette profession (persistance). Nous examinerons comment ces facteurs de motivation influencent leurs représentations de la profession. Nous analyserons également dans quelle mesure ces représentations sont en lien avec les besoins de compétences (TAD) et quelle identité professionnelle ils ont construite. Nous partirons de leurs ressentis.
La méthodologie comprend deux types de méthodes de collecte de données : un questionnaire et des entretiens. Un questionnaire a été distribué à des enseignants d’anglais en BTS uniquement de 93 établissements publics et privés de l’Académie de Toulouse. L’échantillon est relativement réduit dans la mesure où nous n’avons obtenu que 33 réponses sur une centaine de lycées proposant des filières de STS, ce qui nous permet cependant d’esquisser des pistes qui seront utiles dans le cadre d’une recherche collaborative ultérieure avec tous les lycées en France. Les questions portent sur les raisons qui ont incité les enseignants d’anglais à enseigner en BTS, sur les raisons qui les confortent dans l’exercice de leur profession et celles qui les découragent ainsi que sur les représentations sociales de cette profession.
Après analyse des résultats de ce questionnaire, nous avons complété notre recherche en menant des entretiens semi-directifs (Blanchet & Gotman, 2007) avec des enseignants d’anglais de BTS aux profils spécifiques. L’objectif était d’éclaircir certains points qui ont émergé dans les réponses des questionnaires. Nous avons analysé les profils des seize répondants et nous en avons sélectionné quatre qui ont des caractéristiques différentes – débutant, expérimenté, natif, qui a vécu à l’étranger, homme, femme –, dans le but d’obtenir des opinions et des ressentis distincts et ainsi, essayer d’obtenir une vision multiple de la profession ou de faire ressortir une tendance commune. Les entretiens individuels ont été enregistrés via la plateforme de visioconférence Zoom.
Elaboration du questionnaire et des entretiens
Afin de construire les questions, nous nous sommes appuyés sur la théorie de l’auto-détermination de Deci et Ryan (1985), notamment pour les facteurs internes de motivation dont le besoin de compétence en LSP. Par conséquent, nous avons posé des questions sur les besoins en formation initiale et en formation continue, le besoin d’autonomie avec des questions sur le travail en équipe et la collaboration pour l’apprentissage par l’enseignant lui-même de la LSP, le besoin d’affiliation ou de lien social. Ensuite, nous avons construit des questions sur les facteurs externes de motivation, notamment le besoin de retour sur leur travail pour comprendre si le travail effectué doit être amélioré, s’il est approuvé par des personnes externes et, enfin, les facteurs de démotivation (Knoerr, 2005).
Les questions sur les postures des enseignants 9 s’appuient sur Bucheton et Soulé (2009) et celles sur l’identité professionnelle des enseignants sont basées sur Perez (2006). Le besoin de reconnaissance au travail s’inspire de la notion de reconnaissance évoquée par Brun (2008) : « la reconnaissance au travail est un élément essentiel pour préserver et construire l’identité des individus, donner un sens à leur travail, favoriser leur développement et contribuer à leur santé et à leur bien-être » (p. 3).
Afin de compléter cette enquête, nous avons mené quelques entretiens semi-directifs individuels, en nous appuyant sur la tendance qui se dégageait des réponses au questionnaire. Ces réponses nous ont aidés à mieux identifier les ressentis des répondants quant à leurs facteurs de motivation, leur perception de l’autonomie et du travail en équipe, de leur engagement professionnel, de leur estime d’eux-mêmes et leur besoin de reconnaissance et leurs besoins en formation, leur perception de la profession, et enfin, leur identité professionnelle. Des questions ouvertes ont été posées sur le passé et le présent de la vie professionnelle de l’enseignant.
Participants
Sur les 33 répondants, cinq sont des hommes et 28 sont des femmes. La majorité des répondants (52 %) ont entre 33 et 50 ans, 39 % des répondants ont entre 51 et 62 ans contre seulement 9 % qui ont entre 23 et 32 ans. La grande majorité (82 %) sont nés en France contre seulement 12 % dans des pays anglophones, donc des natifs (Royaume-Uni, États-Unis, Inde), et deux répondants en provenance d’Afrique francophone. Une seule personne n’a pas répondu à la question sur le pays de naissance, la question étant facultative.
Pour les études disciplinaires suivies, 87,9 % des répondants ont suivi des études de littérature et civilisation anglaises. Seulement cinq personnes ont suivi des études d’anglais appliqué et deux des études de commerce ou gestion, un des études scientifiques et un des études agricoles, sachant que des personnes ont suivi plusieurs types d’études disciplinaires. La majorité a une maîtrise ou un master 1 (40 %), 33 % possède un Master 2, 18 % une licence, 9 % des diplômes équivalents au Master 2.
Quant au milieu socio-professionnel, 23 viennent de la classe moyenne (cadres et professions intellectuelles supérieures, artisans, commerçants et chefs d’entreprise, et professions intermédiaires), trois du milieu ouvrier, deux du milieu agricole et cinq ont des parents employés.
Les quatre profils différents retenus pour les entretiens sont :
R1 est une femme francophone agrégée de l’enseignement public de 56 ans, de formation littéraire, son ancienneté en BTS est de cinq ans. Elle fait deux heures par semaine en BTS.
R2 est un homme natif d’un pays anglophone, âgé de 41 ans, avec cinq ans d’ancienneté en BTS dans deux filières différentes (esthétique et photographie). Il a une expérience de onze ans en tant que professeur d’anglais en Espagne.
R3 est une femme de 41 ans, francophone, certifiée, de 2e carrière, de l’enseignement public, qui enseigne depuis 2019 en BTS à temps partiel imposé par la disponibilité des heures, le reste des heures sont effectuées dans le secondaire. Elle a une expérience en entreprise dans le secteur de l’informatique et réseaux. C’est une personne débutante dans l’enseignement en BTS.
R4 est une femme francophone de 38 ans, dans l’enseignement public, certifiée, à temps partiel par choix en BTS, le reste des heures se font dans le secondaire.
Analyse des résultats
Facteurs internes de motivation: besoin de compétence et de formation
Nous analysons comment le besoin de compétence est exprimé parmi les enseignants d’anglais en BTS par rapport à l’ASP et nous verrons s’ils éprouvent du stress lorsqu’ils débutent dans cet enseignement. Nous nous pencherons également sur le besoin de formation (TAD).
Tout d’abord, nous avons vérifié si les enseignants sondés savent ce qu’est l’ASP (besoin de compétence et LSP). Nous avons noté quelques contradictions entre certains des facteurs internes. Par exemple, les enseignants veulent être autonomes tout en souhaitant que ce soit l’institution qui propose des formations d’une manière descendante. Le fait qu’ils éprouvent le besoin de compétence en priorité en anglais général par rapport à l’ASP est assez étonnant, d’autant que ces mêmes répondants énoncent le besoin de formation spécifique au niveau du BTS. En outre, bien que 24 % répondants aient eu une formation initiale en outils numériques, ils n’éprouvent pas le besoin de se former dans ce domaine.
D’après les résultats de l’enquête, les enseignants d’anglais en BTS savent à peu près ce qu’est une LSP sans avoir eu de formation spécifique et sans que ce terme figure dans les référentiels des BTS. En revanche, il existe une contradiction. Tout en sachant ce qu’est une LSP, certains enseignants déclarent qu’ils enseignent l’ASP comme l’anglais général. Pourtant, ce n’est ni la même culture, ni le même lexique puisqu’il s’agit d’un domaine professionnel spécifique.
Ensuite, nous avons examiné si l’ASP pose des difficultés (ex. stress), et si oui en quoi et pourquoi.
Quatorze répondants avouent avoir été stressés contre onze qui ne l’ont pas du tout été et huit qui ne se positionnent pas. Aucun natif n’a déclaré être stressé par la LSP. Ni le fait d’avoir vécu à l’étranger ni la durée du séjour à l’étranger ne sont significatifs. Ni leurs études ni leur expérience dans l’enseignement ne semblent révélateurs de ce stress éventuel.
La grande variété de LSP enseignées pourrait être une source de stress. En effet, lorsque les répondants précisent la LSP qu’ils enseignent, on trouve 29 filières différentes de STS. Nous avons relevé treize variétés de LSP différentes. Pourtant, rien n’indique dans notre enquête que ce soit source de stress.
Dans notre analyse du travail en équipe et de la collaboration avec des pairs surtout lors des entretiens, nous pouvons en déduire que les enseignants d’anglais qui sont bien intégrés dans l’équipe pédagogique et qui collaborent volontiers avec les enseignants du domaine de spécialité vivent mieux leur adaptation à l’enseignement en BTS et évitent du stress.
Au sujet des besoins en formation de langue étrangère, l’ASP figure en 2e position. L’anglais général vient en 1èreposition alors qu’il serait légitime de s’attendre à ce que les enseignants aient un niveau suffisant en anglais, voire soient des experts en anglais général. Ceci peut donc sembler contradictoire.
À la rubrique de la pédagogie, un peu plus d’un tiers éprouvent le besoin d’être compétent dans ce domaine, plus de la moitié souhaiterait suivre une formation en FTLV (formation tout le long de la vie) en didactique/pédagogie. D’ailleurs, ce domaine est le plus plébiscité, ce qui tend à montrer que cela fait partie des interrogations des enseignants, qu’ils souhaitent faire évoluer leur méthode et leurs pratiques pour peut-être mieux s’adapter à un public changeant.
Quant à la formation en TICE, seuls huit d’entre eux en éprouvent le besoin alors que seulement huit déclarent avoir suivi une formation type C2i2e 10 . On pourrait en déduire soit qu’ils sont une grande compétence en la matière et l’ont acquise par d’autres moyens, soit qu’ils n’ont pas besoin d’utiliser les outils numériques, ce qui peut paraître surprenant pour enseigner une langue actuellement.
En revanche, l’absence de formation spécifique aux enseignants d’anglais en BTS est reconnue par la grande majorité des répondants.
D’une manière générale, les répondants attendent que ce soit l’institution qui propose les formations. Pourtant, la « nécessité de la professionnalisation » (Jellab, 2017) suppose que les enseignants soient acteurs de leur formation. Ceci peut donc sembler contradictoire. Ils peuvent exercer cette responsabilité en choisissant eux-mêmes des formations mais, d’après l’enquête, nous notons que peu d’entre eux sont prêts à se former individuellement en ligne. Ils préfèrent se former collectivement ou entre pairs. Ceci rejoint ce que Fenouillet (2011) soutient au sujet des adultes qui ont davantage de chances de réussir leur formation s’ils la font collectivement à cause de l’engagement qu’ils prendront ou qu’ils respecteront par rapport au groupe avec lequel ils se forment.
Facteurs internes de motivation et besoins d’affiliation, d’autonomie et de reconnaissance
Nous avons remarqué d’autres contradictions entre le travail en équipe, l’aspiration à l’autonomie et le besoin de reconnaissance. Nous confronterons les données sur le travail en équipe comme facteur interne de motivation pour entrer dans la profession, la nécessité de collaborer avec l’équipe pour apprendre la LSP et le besoin d’affiliation ou d’interaction avec des pairs. Nous verrons également comment les besoins d’autonomie et de reconnaissance sont exprimés.
Le facteur interne le plus plébiscité est l’autonomie relative tandis que le travail en équipe vient en dernier. Or, 75 % des répondants déclarent avoir collaboré avec les enseignants du domaine spécifique au BTS où ils enseignent afin de mieux comprendre le lexique technique et ils l’ont bien vécu. Il en est de même pour la collaboration avec les étudiants sur le même sujet ; ici, la co-construction du savoir est évoquée. Notons que 25 % ne collaborent pas avec les autres enseignants. Les raisons ne sont pas connues : on peut se demander si c’est un manque de temps pour collaborer, un manque d’envie de travailler en équipe ou bien ils n’en éprouvent pas le besoin. Les enseignants semblent tenir à leur autonomie et pourtant ils sont prêts à collaborer. Nous nous demandons s’il y a un problème de territoire, de concurrence, de répartition de tâches.
18 répondants éprouvent le besoin d’appartenir à une équipe pédagogique alors qu’ils n’éprouvent pas le besoin de reconnaissance de la part des pairs. A contrario, 17 sondés préféreraient une formation entre pairs pour la FTLV. L’enseignant est donc un acteur social qui a besoin de relations avec ses pairs.
De plus, l’envie d’interagir avec des étudiants recueille un score très élevé de 94 %. Lortie (1975) note que les femmes auraient tendance à évoquer comme facteur de motivation pour le choix de la profession d’enseignant, « travailler avec les jeunes et les aider ». Or, d’après notre enquête, la profession est largement occupée par les femmes (85 %), d’où peut-être ce score très élevé. Il existe probablement des raisons psychologiques à ce facteur motivationnel comme Postic et al. (1990) le mentionnent comme la volonté « d’être au centre de l’attention d’un groupe » (p. 26) ou la recherche de l’admiration des élèves (Corman, 1976). Cependant, ces auteurs soulignent également le souhait d’exercer « des activités qui favorisent le contact avec les jeunes, avec des êtres qui cherchent leur voie et ont besoin de guides », la volonté de « modeler les autres » (Postic et al., 1990, p. 26).
Nous conclurons que le besoin d’autonomie est le plus représenté parmi les répondants et le besoin d’affiliation est important. Quant au besoin de reconnaissance, les enseignants l’éprouvent surtout de la part de leurs étudiants. Cela pourrait être la conséquence que la profession d’enseignant n’évolue guère au mérite mais plutôt à l’ancienneté donc les enseignants n’attendent rien de leur hiérarchie directe ou institutionnelle.
Facteurs externes de motivation – début de carrière
Nous examinons dans quelle mesure le milieu socio-professionnel a conditionné ou influencé le choix pour devenir enseignant. Nous retenons que la majorité des répondants (23) viennent de la classe moyenne. D’après Postic et al. (1990) qui s’interrogent « sur les motivations pour le choix de la profession d’enseignant, […], l’origine sociologique » (p. 28) influence partiellement le choix pour entrer dans la profession, soit pour accéder « à une voie de promotion sociale » pour les milieux modestes, soit en rejetant des « modèles parentaux de professions axées sur la compétition et le gain » (p. 26) pour des milieux plus aisées. Dans tous les cas, Postic et al. (1990) soutiennent que « [l]a motivation pour une profession est liée à la représentation qu’on s’en fait et à la relation qu’on établit entre cette représentation de la profession et la représentation qu’on a de soi » (p. 26).
Jaboin (2003) qui a étudié les déterminants sociaux des enseignants du public et du privé, note que l’origine sociale détermine en grande partie le choix d’embrasser une carrière d’enseignant dans le public ou dans le privé. 45,5 % des répondants travaillaient dans le privé. Si nous tenons compte de l’étude de Jaboin, il est alors probable qu’il y ait une corrélation entre enseigner dans le privé et le fait que les parents de l’enseignant aient travaillé dans le secteur privé. Duru-Bellat et van Zanten (2002) constatent « une féminisation et un « embourgeoisement » de la profession enseignante » (p. 152) en France.
Par ailleurs, la mastérisation de la profession d’enseignant implique que les enseignants aient pu avoir un soutien financier ou moral pour poursuivre des études supérieures longues, soutien qui est plus fréquent dans les milieux aisés. Cela peut expliquer que la majorité des répondants à notre enquête déclarent venir de la classe moyenne.
Facteurs de démotivation et persistance dans la profession
Nous pouvons retenir certains facteurs récurrents dans les réponses sur la démotivation :
-
Le niveau trop faible des étudiants en lien avec le manque d’intérêt des étudiants pour l’anglais et leur manque d’attention en cours. La non-revalorisation des salaires par rapport au coût de la vie en lien avec l’absence de perspective d’évolution de carrière semble démotiver une majorité de répondants. Pourtant, le salaire n’est pas un facteur externe de motivation retenu pour entrer dans la profession. Le statut d’enseignant n’est pas non plus un facteur très plébiscité pour entrer dans la profession. Cependant, il semblerait que, dès lors que la carrière de l’enseignant avance, ces trois facteurs posent un problème pour l’identité professionnelle et l’estime de soi.
-
L’absentéisme récurrent des étudiants et le travail demandé non rendu : ce n’est pas favorable à l’estime de soi des enseignants qui se croient responsables de cet absentéisme en pensant que leurs cours ne sont pas attractifs.
-
Le manque de formation spécifique aux classes de BTS met à mal le besoin de se sentir compétent et la confiance en soi des enseignants. Partant de là, cela peut impacter négativement l’identité professionnelle.
-
l’inverse
A l’inverse, la proposition des relations difficiles avec les entreprises n’a obtenu aucun vote tandis que les filières de STS sont en relation avec les entreprises. Il est vrai que les enseignants d’anglais sont probablement rarement en relation directe avec les entreprises.
Pour résumer, il ressort de notre enquête en 2020 comme dans celle que Postic et al. ont menée en 1987 (1990) que « le contact avec les jeunes » semble être un facteur déterminant dans la motivation des enseignants. En effet, il est essentiel d’être en relation avec ces jeunes (besoin d’affiliation) et d’avoir un retour de leur part (besoin de reconnaissance). D’ailleurs, 75 % des répondants déclarent que la réussite des étudiants vient en premier dans les facteurs externes de motivation.
L’identité professionnelle et les postures d’enseignement
L’identité professionnelle n’est pas un thème souvent abordé chez les enseignants et les postures de Bucheton et Soulé (2009) ne sont pas clairement établies ni comprises par les répondants. La question de l’impact de la posture d’enseignant sur l’identité professionnelle a reçu des réponses hors sujet. Nous allons en examiner les raisons. En effet, les écarts sont assez frappants notamment ceux entre les déclarations sur la co-construction des savoirs avec les pairs, de la co-construction des savoirs avec les étudiants et certains facteurs de motivation interne ou bien il existe des contradictions avec les postures adoptées en réalité.
Les questions sur le besoin de reconnaissance et sur l’estime de soi ont été mieux comprises. Cependant, elles peuvent susciter des interrogations. En effet, les relations avec la hiérarchie peuvent interpeler si notre regard est teinté de management des entreprises : les enseignants éprouvent un besoin de reconnaissance de la part des élèves alors que ce sont les supérieurs hiérarchiques qui pourraient éventuellement récompenser les subordonnés de leurs efforts. D’ailleurs, l’institution vient en 3e position, loin derrière et le chef d’établissement vient en dernière position. En outre, le besoin d’avoir un retour de la part des étudiants fait presque l’unanimité, moins de 10 % pour le besoin d’avoir un retour de la part de l’institution et personne n’a voté pour le besoin de retour de la part du proviseur. On peut noter que l’enseignant est presque indépendant et a peu de compte à rendre à sa hiérarchie.
Le fait d’enseigner en BTS (enseignement supérieur) pourrait donner un statut valorisant et pourrait être vu comme une sorte de promotion dans la carrière d’un enseignant et, dans ce cas, il serait plus logique de ne voir que des enseignants en fin de carrière ou bien des enseignants plus diplômés ou plus impliqués dans des projets en enseignement supérieur. Or, à peine un peu plus d’un tiers pense que ce statut est valorisant. Cela peut être mis en corrélation avec l’origine sociale, puisque la majorité des répondants viennent de la classe moyenne.
Ce sont plutôt les enseignants d’origine modeste qui souhaitent une valorisation de leur statut social, cette profession représentant une ascension sociale dans ce cas (Périsset Bagnoud et Ruppen, 2006). En revanche, l’âge des enseignants et leur expérience dans l’enseignement de l’anglais semblent être deux facteurs déterminants puisque 40 % ont plus de 51 ans mais plus de la moitié ont entre 33 et 50 ans. A peine 9 % ont en dessous de 32 ans. Presque les deux tiers des répondants ont plus de dix ans d’expérience dans l’enseignement de l’anglais. Il semble difficile de faire une longue carrière en BTS car à peine sept répondants ont entre dix et plus de vingt ans d’expérience en BTS. Au sujet des concours, il eût été vraisemblable de trouver davantage d’agrégés. Or, parmi les répondants, il n’y en a que 12 %.
Engagement des enseignants et besoin de compétences
Au cours de leur carrière, l’expertise semble être un facteur important pour la majorité des répondants. Nous pouvons lier cette question au besoin de compétences : un enseignant compétent se sent plus enthousiaste, plus engagé.
Pour les répondants qui se sentaient plus enthousiastes avant d’entrer dans la profession, nous pouvons en déduire qu’ils le sont moins une fois qu’ils ont découvert la profession en réalité, donc les représentations qu’ils se faisaient de la profession étaient en décalage avec le terrain et ils font peut-être partie des « déçus » ou des « démotivés ». Ceux qui l’étaient en début de carrière sont peut-être fatigués. Cela rejoint les études de Watt et al. (2007) qui ont noté qu’au bout de cinq ans de carrière, un certain nombre d’enseignants souhaitaient quitter la profession.
La majorité (55 %) se dit enthousiastes une fois l’expertise acquise, 27 % le sont en début de carrière, 9 % avant d’entrer dans la profession et 9 % ces derniers temps. Nous pouvons dire que l’enthousiasme est lié au besoin de compétence et c’est ce qui fait qu’ils sont suffisamment engagés. Leur besoin de compétence est suffisant pour être engagé.
Concernant les résultats de la question qui concernaient le ressenti des enseignants sur leur « motivation » 11 et leur efficacité pendant l’année scolaire, les périodes qui ont eu le plus de votants sont celles qui leur ont permis de se reposer c’est-à-dire « lors de la rentrée scolaire », après « les vacances d’été », et « au retour des vacances scolaires » intermédiaires. La moitié des votants ont opté pour le « début de matinée », comme étant un moment où ils sont engagés et efficaces, contrairement à l’après-midi. En revanche, il y a six votes pour la période des évaluations des étudiants, période stressante.
Les résultats tendent à montrer que pour la majorité des répondants (64 % et 67 %) la FTLV permettrait d’améliorer l’efficacité du personnel enseignant et d’améliorer leur engagement.
Nous pouvons en conclure que le repos (facteur externe) permet aux enseignants de s’engager à nouveau : un enseignant reposé est plus efficace donc plus engagé et vice versa. Cet engagement semble fortement lié au besoin de compétence. Un enseignant formé se sent plus expert, a une meilleure image de lui et sera plus à l’aise dans l’exercice de sa profession.
Analyse des entretiens
Nous relèverons les points communs et les points divergents d’un répondant à l’autre. Nous noterons les contradictions dans un même discours et entre les discours différents.
Points communs
L’autonomie et la charge de travail semblent deux éléments partagés par les quatre répondants. Si l’autonomie a des côtés positifs, la charge de travail semble importante et donc, le travail prend beaucoup de place, jusqu’à l’épuisement pour une répondante. Un autre se plaint de fatigue. A contrario, deux répondantes se déclarent épanouies. (Besoin d’autonomie : conditions de travail, facteur externe de motivation)
Leur définition de la LSP montre que les enseignants savent vaguement de quoi il s’agit en la résumant à un vocabulaire technique du domaine professionnel du BTS. La dimension culturelle n’est pas évoquée, sauf pour R4 qui déclare faire du lien entre l’aspect technique d’un bâtiment ou d’un ouvrage d’art avec un sujet plus culturel.
Le stress par rapport à l’enseignement de la LSP est commun pour trois répondants. Le fait d’être natif ou agrégé n’aide en rien à lever le stress. Nous avons noté une contradiction par rapport au questionnaire : « Aucun natif n'est stressé par la LSP ».
Les trois répondants ont une formation littéraire et l’enseignement est leur 1 re carrière contrairement à la personne qui n’éprouve pas de stress pour enseigner la LSP. Cette dernière est entrée dans l’enseignement en 2e carrière, après avoir travaillé dans une entreprise d’informatique et réseaux. Par conséquent, cela l’aide pour enseigner dans ce domaine, bien qu’elle soit débutante en BTS. (Besoin de compétence)
Pour s’adapter à la LSP, R1, R2 et R4 ont fourni beaucoup d’efforts pour apprendre cette langue et chercher des informations. Ce ne sont pas les mêmes (R2, R3 et R4) qui disent s’appuyer essentiellement sur le savoir professionnel des étudiants et sur les collègues à moindre échelle. Le relationnel avec les étudiants semble prépondérant sur le travail d’équipe. (Besoin de compétence, besoin d’affiliation)
Le travail en équipe est apprécié par trois répondants, voire semble essentiel à R3 qui a travaillé en entreprise avant d’enseigner. Pour R1 qui ne travaille pas en équipe, les raisons ne sont pas claires : on peut se demander si cela vient de la personne elle-même ou bien de l’ambiance de l’établissement. (Besoin d’affiliation)
Parmi les facteurs de motivation, le contact avec les étudiants est un facteur interne essentiel pour trois d’entre eux. Seule R1 semble ne pas apprécier du tout le contact avec les étudiants en ce moment. (Besoin d’affiliation)
Le fait de vouloir intéresser les étudiants en choisissant des thèmes proches de leur domaine professionnel est un élément partagé par trois répondants tandis que R1 ne leur laisse pas le choix (posture de contrôleur-pilote). R3 se considère comme une formatrice pour adultes ; elle a un rôle d’accompagnatrice et guide ses étudiants pour acquérir un comportement approprié en entreprise. (Posture enseignante d’animation, d’accompagnateur)
Pour les facteurs de démotivation, nous retrouvons l’absentéisme comme point commun. Souvent, les enseignants ne comprennent pas pourquoi les étudiants sont absents et se demandent si c’est parce qu’ils ne s’intéressent pas au cours d’anglais. Notre interprétation est que cela peut nuire à la représentation que se fait l’enseignant de sa responsabilité ou de sa marge d’action sur cet état de fait. Il peut se demander si c’est sa faute ou bien si ses cours sont inintéressants (R1). Il est probable que cet absentéisme le mette mal à l’aise et le démotive. Ceci peut porter atteinte à l’image de l’enseignant de lui-même.
Le niveau très faible et l’hétérogénéité des étudiants dérangent deux répondantes. Un troisième l’exprime différemment. Cependant, il trouve le système éducatif français trop bienveillant. Il sous-entend que le niveau de ses étudiants est trop faible par rapport aux notes attribuées en fin de parcours. Il ne sait pas comment faire pour les obliger à travailler. Ici le système éducatif est un facteur externe puisque l’institution impose une marche à suivre avec un barème favorable à l’étudiant, qui ne reflète pas la réalité.
Ceci rejoint les ressentis de R1 qui est complètement découragée face au manque de travail des étudiants et à leur passivité en cours. (Besoin de compétence en pédagogie, gestion de classe)
Pour le suivi des étudiants ou leur accompagnement, deux répondantes apprécient plus particulièrement cet aspect de la profession. R3 participe à des projets de décrochage scolaire, de besoins spécifiques et tient à former les étudiants comme de futurs professionnels. (Besoin d’affiliation et altruisme)
Tous les répondants apprécient la créativité pour la préparation des cours, l’ouverture sur le monde induit par l’enseignement en BTS. (Facteur interne de motivation)
Le statut social de la profession d’enseignant est perçu très négativement par trois répondants et trouvent cela injuste car ils travaillent beaucoup. Un répondant déclare que c’est un statut neutre. (Estime de soi)
Points divergents
Un seul répondant a choisi d’enseigner en BTS. Toutefois, ce libre choix ne semble pas impacter l’épanouissement des enseignants.
La façon d’apprécier l’autonomie est différemment exprimée par les quatre répondants. En effet, trois personnes estiment qu’on les a laissées se « débrouiller » toutes seules et cela les a gênées au début. Puis, cette autonomie devient un élément positif pour deux répondants qui considèrent que c’est synonyme de liberté et d’absence de pression. (Besoin d’autonomie)
R1 ne connaît pas le monde de l’entreprise et cela la démotive. Elle aimerait bien suivre une formation ou faire un stage en entreprise. Elle est prête à se remettre en question mais attend beaucoup de l’institution. Elle ne semble pas encline à chercher les informations par elle-même notamment sur l’orientation des étudiants après le BTS, sur l’entreprise, pour connaître le niveau d’exigence requis pour leur avenir professionnel. Ceci est contradictoire avec sa déclaration qui indique qu’elle apprécie grandement la recherche d’informations sur l’actualité dans un monde globalisé. (Besoin de compétence)
Parmi les points négatifs, R3 déclare avoir du mal à gérer son temps en classe du fait de l’hétérogénéité du groupe classe (Besoin de compétence en pédagogie/gestion de classe). R4 se heurte à des problèmes administratifs pour monter des projets et cela la frustre parce qu’elle souhaiterait donner davantage de sens à ses cours d’anglais et ainsi motiver ses étudiants. (Facteur externe de motivation)
La question du statut social a donné lieu à des réponses assez variées. Une répondante exprime son besoin de reconnaissance de la part de la hiérarchie, de la société et des collègues. Elle se trouve mal rémunérée alors que son travail excède les 40 heures par semaine. Venant de l’entreprise, elle pense que la reconnaissance devrait récompenser les enseignants qui s’investissent davantage comme elle. (Besoin de reconnaissance)
En revanche, R4 reprend espoir à la suite du confinement pendant lequel l’image des enseignants a été redorée. En effet, les parents se sont aperçus que les enseignants ne faisaient pas que de la garde d’enfants. Pourtant, en début de réponse, elle se plaint de l’image que le public a des enseignants : elle utilise des mots forts comme « fainéants ».
Au sujet de la persistance dans la profession, les avis divergent. La curiosité et l’apprentissage intéressent R3 et R4. R1 se déclare être très curieuse également. Néanmoins, elle ne classe pas cet élément dans les facteurs qui lui permettraient de persister dans la profession. R2 apprécie de travailler sur les activités tirées de la vie réelle parce que cela intéresse les étudiants. La relation avec les étudiants semble être un facteur qui aide les enseignants à continuer à exercer leur profession.
Les réponses à la définition de la profession d’enseignant d’anglais en BTS sont divergentes. R3 et R4 déclarent que c’est un mélange. L’une parle d’un mélange d’enseignement traditionnel et d’enseignement professionnel, l’autre d’un mélange de savoir-faire d’enseignant (compétences langagières) et de savoirs (contenu technique). Comme dans les résultats du questionnaire, l’identité professionnelle n’est pas clairement établie à l’exception de R3 pour qui son rôle est équivalent à celui d’une formatrice pour adultes.
Pour conclure, les ressentis de ces enseignants sont différents et cela rejoint de nombreuses études selon lesquelles la motivation sur le long terme dans la profession d’enseignant dépend essentiellement des facteurs internes de motivation en début de carrière. Parmi ces facteurs, figurent notamment l’altruisme de l’enseignant pour accompagner les jeunes dans leur formation, son implication dans sa profession, sa prise de recul par rapport à sa profession, l’image de soi qu’il a au moment de son témoignage. La représentation que l’enseignant a de son identité professionnelle peut être définie avant d’entrer dans la profession mais elle peut changer au cours de sa carrière comme pour la répondante R1. L’identité professionnelle serait donc un processus en évolution.
Nous avons également remarqué que les répondants comparent les périodes et les situations et que leur engagement évolue. Le besoin en autonomie pour la LSP est au départ subi. Puis, il est apprécié une fois l’expertise acquise. Cela dépend également des périodes de l’année.
Pour le besoin d’affiliation, vient en 1er position la relation avec les jeunes, et, en 2e position, le travail d’équipe. Ces facteurs aident les enseignants à aller en cours et à persister dans la profession, à l’exception d’une répondante. Cela rejoint les résultats du questionnaire à ce sujet.
En ce qui concerne le besoin de reconnaissance, une seule répondante se plaint directement du manque de reconnaissance de la part de la hiérarchie par rapport au travail qu’elle effectue. Une autre se plaint que l’inspecteur ne l’aide pas pour la LSP ni pour lui expliquer comment enseigner en BTS. Dans l’ensemble, la reconnaissance des étudiants est prioritaire à la fois dans les entretiens et dans le questionnaire.
Pour la formation initiale, les résultats des entretiens rejoignent ceux du questionnaire : même si c’est dit en filigrane, le stress pour la LSP au départ montre que la formation initiale n’est pas suffisante. Néanmoins, les entretiens, en dehors d’une répondante, ne mettent pas en lumière les besoins de formation en FTLV (besoin de compétences).
L’image de soi liée au besoin de reconnaissance est dégradée au moment où le sujet du statut social est évoqué mais peut-être que cela va changer avec la crise sanitaire comme le déclare R4.
Ceux qui semblent le mieux tirer leur épingle du jeu sont ceux pour qui guider les jeunes sur le chemin de la réussite est prioritaire par rapport au goût ou à la passion pour la discipline enseignée. Les enseignants pour qui le facteur de motivation dominant est le goût pour la discipline se heurteront tôt ou tard au niveau faible de certains étudiants de BTS qui ne s’intéressent pas à l’anglais.
Discussion
Nous discuterons des données recueillies lors de l’enquête de terrain en fonction des thématiques indiqués lors de l’analyse des résultats.
Facteurs internes de motivation et besoins d’affiliation et de compétence
Un tiers des répondants exercent cette profession par goût prononcé pour l’anglais contre 23 % qui l’exerce par vocation, puis pour la créativité et le plaisir d’apprendre dans des proportions équivalentes (15 % et 14 %).
Nous avons noté une contradiction dans le besoin d’affiliation. Bien que 75 % des enseignants déclarent collaborer avec leurs collègues, le vivre positivement, ils n’exercent pas cette profession pour le travail en équipe (12 %) mais ils apprécient l’autonomie inhérente à la profession (55 %). Même si la vocation ne vient qu’en 2e position, la vocation étant liée à l’altruisme, les enseignants déclarent demander souvent de l’aide aux étudiants pour la LSP. D’ailleurs, sauf exception, dans les entretiens, il ressort que les enseignants exercent cette profession pour le contact avec les étudiants. Et c’est ce qui les incite à poursuivre leur carrière.
Pour le besoin de compétence, la majorité est d’accord pour dire qu’il faudrait une formation spécifique aux enseignants de BTS, mais par forcément pour la LSP. En effet, c’est la formation disciplinaire en anglais général qui semble prioritaire, devant la LSP. Les besoins en formation en pédagogie viennent au 3 e rang. En revanche les besoins de formation en TICE viennent loin derrière. Lors des entretiens, les besoins en formation ont été peu évoqués.
Facteurs de démotivation
D’après notre enquête, le niveau trop faible des étudiants se place au 1er rang et ceci est assez cohérent si nous faisons le parallèle avec le facteur interne de motivation qui a eu le plus de votes, à savoir « le goût prononcé pour l’anglais ». La non-revalorisation des salaires et l’absence de perspective de carrière constituent des facteurs de démotivation puisque plus de 50 % des répondants ont voté pour ces propositions. L’absentéisme est également un facteur de démotivation, mais c’est une préoccupation qui semble être un véritable inconvénient pour trois des répondants. En effet, l’absentéisme crée du travail supplémentaire aux enseignants pour le suivi des étudiants et le rattrapage des devoirs. Cela les décourage beaucoup. L’absence de formation proposée par l’institution constitue un autre facteur de démotivation pour un peu plus de 50 % des répondants. En revanche, l’absence de soutien de la hiérarchie n’en est pas un au vu des résultats de l’enquête.
Lien entre engagement, besoin de compétence et formation
Les résultats montrent que la motivation fluctue d’une période à l’autre de l’année scolaire pour des raisons essentiellement de fatigue et également en fonction des moments dans la carrière. La majorité des répondants se sentent plus engagés une fois l’expertise acquise dans leur profession. Ceci est corrélé au besoin de compétence. En ce qui concerne la relation entre la formation et l’engagement, 75 % se sentent efficaces et engagés après une période de formation. Ce constat nous permet d’affirmer que la FTLV aide les enseignants à se sentir engagés et efficaces. On peut dire qu’il existe un lien possible entre formation et engagement.
Construction de l’identité professionnelle
Pour mesurer l’écart entre les représentations de la profession et la réalité de la profession, il aurait fallu interroger des débutants. Mais nous n’avons pas pu choisir ces enseignants, les enseignants en BTS étant peu nombreux.
La question sur la relation entre les postures et l’identité professionnelle n’ayant pas été comprise lors du questionnaire, nous ne pouvons en tirer des conclusions. A contrario, lors des entretiens, nous avons constaté que la posture enseignante dépendait en partie des facteurs de choix pour enseigner. Par exemple, la personne la plus qualifiée et la plus passionnée par l’anglais se sentait en parfait décalage avec les étudiants de sa filière de BTS. Elle a déclaré se poser beaucoup de questions et être très fatiguée psychologiquement. Elle s’était aperçue qu’elle ne faisait pas assez participer les étudiants et que ces derniers avaient un niveau très faible. Sa posture étant essentiellement transmissive, nous avons déduit qu’elle jouait le rôle de « contrôleur-pilote ». Or, cette posture peut être adoptée de temps en temps mais elle n’aide pas à s’approprier la langue anglaise.
Nous avons constaté une différence lors des entretiens entre les enseignants formés plus récemment en pédagogie et qui étaient certifiés et cette personne agrégée qui était experte dans sa discipline mais qui aurait besoin d’une formation en didactique. D’ailleurs, elle était en demande d’aide et de formation liée au monde de l’entreprise.
Nous pouvons dire que l’identité professionnelle se construit tout le long de la carrière dans la mesure où des enseignants expérimentés qui aimaient leur profession sont découragés ou stressés après une longue expérience. Cela montre qu’au moment de l’enquête, ils ont une représentation différente de ce qu’elle pouvait être en début de carrière ou il y a quelques années. Enseigner en BTS n’est pas obligatoirement le problème puisque la répondante fatiguée enseigne en secondaire et avoue que les élèves du secondaire sont « affreux ».
Conclusion
Notre enquête a souligné l’existence de liens entre les facteurs de motivation et les besoins de compétence, ce qui a permis de donner des pistes sur la construction de l’identité professionnelle des enseignants. Nous constatons que les facteurs internes de motivation notamment le besoin d’autonomie et le besoin de compétence sont plus importants que les facteurs externes comme la rémunération. Le besoin d’affiliation avec les jeunes adultes est moteur dans la persistance de l’engagement professionnel des enseignants à condition que l’absentéisme ne vienne pas décourager les enseignants qui peuvent sentir leur estime de soi abîmée par ce facteur de démotivation. L’autre besoin en lien avec la construction de l’identité professionnelle est le besoin de reconnaissance surtout de la part des étudiants. En outre, il a été mis en exergue le fait que les enseignants accepteraient de s’investir plus s’ils obtenaient davantage de reconnaissance de la hiérarchie. Nous notons que les enseignants ne sont pas conscients qu’ils ont une identité professionnelle même si l’institution leur demande de former des professionnels et de suivre eux-mêmes des formations. Cette identité professionnelle n’est en réalité pas clairement établie, ce qui ne les empêche pas de poursuivre leur mission mais de manière pas toujours enthousiaste et engagée. Toutefois leur engagement et efficacité ont été renforcés, selon 75 % des répondants, après avoir suivi une formation.
Bibliographie
Notes
Referencias
Adam, C. (2012). Détisser le métier : la démarche clinique à l’épreuve des pratiques psychosociales en milieu pénitenciaire. In M. Cifali & T. Périlleux (Dirs.), Les métiers de la relation malmenés. Répliques cliniques (pp. 13-34). L’Harmattan. https://doi.org/10.3917/har.zay.2012.01.0013 DOI: https://doi.org/10.3917/har.zay.2012.01.0013
Blanchet, A., & Gotman, A. (2007). L’enquête et ses méthodes : l’entretien. Armand Colin.
Brun, J. P. (2013). La reconnaissance au travail. Sciences humaines, Grands dossiers, 12. https://doi.org/10.3917/gdsh.447.0026 DOI: https://doi.org/10.3917/gdsh.447.0026
Bucheton, D., & Soulé, Y. (2009). Les gestes professionnels et le jeu des postures de l’enseignant dans la classe : un multi-agenda de préoccupations enchâssées. Éducation et didactique, 3(3), 29-48. https://doi.org/10.4000/educationdidactique.543 DOI: https://doi.org/10.4000/educationdidactique.543
Chapus, Sylvie. (2020). La motivation des enseignants d'anglais en classe de BTS [Mémoire, Université Toulouse Jean Jaurès]. https://dante.univ-tlse2.fr/s/fr/item/11178
Conseil de l’Europe. (2001). Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer. Didier.
Conseil de l’Europe. (2018). Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer, Volume Complémentaire. Didier.
Corman, L. (1976). Les motivations inconscientes du choix de la carrière d’enseignant. Bulletin de la Société A. Binet et Th. Simon, 548, 320-329.
Deci, E. L., & Ryan, R. M. (1985). Intrinsic motivation and self-determination in human behavior. Plenum Press. https://doi.org/10.1007/978-1-4899-2271-7 DOI: https://doi.org/10.1007/978-1-4899-2271-7
Dörnyei, Z. (2001). Motivational Strategies in the Language Classroom. Cambridge University Press. https://doi.org/10.1017/CBO9780511667343 DOI: https://doi.org/10.1017/CBO9780511667343
Dörnyei, Z. (2009). The Psychology of Second Language Acquisition. Oxford University Press.
Duru-Bellat, M., & van Zanten, A. (2002). Sociologie de l’école. Colin.
Fenouillet, F. (2009). Vers une intégration des conceptions théoriques de la motivation. 1ère partie : Présentation du modèle intégratif de la motivation. (Note de synthèse pour l’habilitation à diriger des recherches). Université Paris Ouest Nanterre La Défense. https://doi.org/10.3917/dunod.carre.2009.01.0305 DOI: https://doi.org/10.3917/dunod.carre.2009.01.0305
Fenouillet, F. (2010). Définition. Lesmotivations.net. http://lesmotivations.net/spip.php?article10
Fenouillet, F. (2011). La place du concept de motivation en formation pour adulte. Savoirs, 1, 9-46. https://doi.org/10.3917/savo.025.0009 DOI: https://doi.org/10.3917/savo.025.0009
Fenouillet, F. (2012). Les théories de la motivation. Dunod. https://doi.org/10.3917/dunod.fenou.2012.01 DOI: https://doi.org/10.3917/dunod.fenou.2012.01
Fenouillet, F. (2017). La motivation. Dunod.
Jaboin, Y. (2003). Les enseignants de l’enseignement général et technique en privé et en public : déterminants sociaux de l’orientation institutionnelle et caractéristiques professionnelles. Carrefours de l'éducation, 16(2), 14-31. https://doi.org/10.3917/cdle.016.0014 DOI: https://doi.org/10.3917/cdle.016.0014
Jellab, A. (2017). La professionnalisation des enseignants du secondaire en France. Entre injonctions institutionnelles et approche sociologique. Éducation et socialisation. Les Cahiers du CERFEE, 46. https://doi.org/10.4000/edso.2669 DOI: https://doi.org/10.4000/edso.2669
Knoerr, H. (2005). TIC et motivation en apprentissage/enseignement des langues. Une perspective canadienne. Cahiers de l’APLIUT, 24(2), 53-73. https://doi.org/10.4000/apliut.2889 DOI: https://doi.org/10.4000/apliut.2889
Lortie, D. C. (1975). Schoolteacher: A Sociological Study. University of Chicago Press.
Mettetal, B. (2020). Massification et démocratisation de l’accès à l’école et à l’enseignement supérieur. https://ses.ens-lyon.fr/ressources/stats-a-la-une/massification-et-democratisation-de-lacces-a-lecole-et-a-lenseignement-superieur
Moyne, A. (2000). Une identité progressive. Les cahiers pédagogiques, 380, 13.
Narcy-Combes, J. P., & Narcy-Combes, M. F. (2019). Cognition et personnalité dans l’apprentissage des langues. Didier. https://doi.org/10.14375/NP.9782278093984 DOI: https://doi.org/10.14375/NP.9782278093984
Norton, P. B. (1995). Social identity, investment, and language learning. TESOL Quarterly, 29(1), 9-31. https://doi.org/10.2307/3587803 DOI: https://doi.org/10.2307/3587803
Perez, T. (2006). Identité professionnelle des enseignants : entre singularité des parcours et modes d'ajustement aux changements institutionnels. Savoirs, 11(2), 107-123. https://doi.org/10.3917/savo.011.0107 DOI: https://doi.org/10.3917/savo.011.0107
Perisset Bagnoud, D., & Ruppen, P. (2006). Du recrutement actuel des futurs enseignantes et enseignants : profil sociologique des étudiantes et des étudiants de la HEP-VS (2001-2005). Revue des HEP, 5, 115-131.
Petit, M. (2002). Éditorial. ASp, 35-36, 12. https://doi.org/10.4000/asp.1552 DOI: https://doi.org/10.4000/asp.1552
Postic, M., Le Calve, G., Joly S., & Beninel, F. (1990). Motivations pour le choix de la profession d’enseignant. Revue française de pédagogie, 91, 25-36. https://doi.org/10.3406/rfp.1990.1385 DOI: https://doi.org/10.3406/rfp.1990.1385
Reeve, J. (2014). Psychologie de la motivation et des émotions. De Boeck.
Starkey-Perret, R. (2013). Représentations des enseignants sur leur métier et acquisition de L2 de la part des apprenants : quels liens peuvent être établis ?. Recherches en didactique des langues et des cultures, 10-1, 1-20. https://doi.org/10.4000/rdlc.1563 DOI: https://doi.org/10.4000/rdlc.1563
Trouillon, J. L. (2010). Approches de l’anglais de spécialité. Presses universitaires de Perpignan. https://doi.org/10.4000/rdlc.1563 DOI: https://doi.org/10.4000/books.pupvd.1411
Watt, H. M. G., Richardson, P. W., & Tysvaer, N. N. (2007). Profiles of beginning teachers’ professional engagement and career development aspirations. In A. Berry, A. Clemans, & A. Kostogriz (Eds.), Dimensions of Professional Learning. Professionalism, Practice and Identity (p. 155-176). Sense Publishers. https://doi.org/10.1163/9789087901257_014 DOI: https://doi.org/10.1163/9789087901257_014
Cómo citar
APA
ACM
ACS
ABNT
Chicago
Harvard
IEEE
MLA
Turabian
Vancouver
Descargar cita
Licencia
Todo el contenido de esta revista, excepto dónde está identificado, está bajo una Licencia Creative Commons Atribución-NoComercial-CompartirIgual 4.0 Internacional